Le maréchal de Thémines au cardinal de Richelieu, camp du Mas d'Azil, 20 septembre 1625

 

Cette lettre écrite par le maréchal au cardinal alors que le siège a déjà bien commencé montre deux choses: il a des difficultés pour payer son armée puisqu'il demande de l'argent pour les soldes, il ne semble pas avoir de doute sur le succès du siège puisqu'il redemande le titre de duc… que l'échec du siège fera évanouir tout à fait.

Grillon introduit ainsi cette pièce: «Pons de Lauzières de Cardaillac, marquis de Thémines (ou Témines), était né vers 1552. Il avait servi Henri IV avec distinction, mais le bâton de maréchal, qu'il avait reçu en 1616, lui avait été donné pour avoir procédé à l'arrestation du prince de Condé, au mois de septembre de la même année. Il convient de rappeler ici que le second fils du maréchal, Charles de Lauzières, avait tué en duel, en avril 1619, Henri du Plessis de Richelieu, frère aîné du cardinal. Celui-ci cependant ne semble avoir jamais montré aucune hostilité à l'égard du maréchal, qui de son côté servit toujours de son mieux la politique du ministre. On lira à sa date l'émouvante lettre qu'il lui écrivit, à son lit de mort, le 1er novembre 1627»

Nous rajoutons en appendice un commandement de Thémines quelques jours plus tôt (le 12 septembre) aux consuls de divers lieux d'envoyer 72 hommes «pour la démolition du lieu de Camarade, temple et autres forts des environs». Cet acte a été publié par Barrière-Flavy avec d'autres pièces liées aux huguenots dans le numéro 7 (1890) du Bulletin de la Société ariégeoise Sciences, lettres et arts (troisième volume 1889-1890 publié par Gadrat aîné/Veuve Pomiès en 1890, retiré par Soula, Pamiers en 1986, pp.285-286). 


M. de Thémines au cardinal de Richelieu. Le Mas d'Azil, 20 septembre 1625 (Pierre Grillon (éd.), Les papiers de Richelieu, tome I (1624-1626), Section politique intérieure, correspondance et papiers d'État, Paris, A. Pedone (Monumenta Europae historica), 1975, pièce 65 de l'année 1625, pp.211-212).

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Le maréchal de Thémines au cardinal de Richelieu, camp du Mas d'Azil, 20 septembre 1625


Monseigneur,

J'ai appris par Monsieur l'abbé de Marsillac (1) qu'il vous plaît avoir de si bonnes volontés pour moi que j'en suis confus, et avoue qu'en le sujet mes paroles ne peuvent répondre à mes pensées ni vous témoigner assez mon ressentiment (2) et la passion avec laquelle je veux vous honorer et servir toute ma vie. Et parce que toutes mes affections tendent au service du Roi, j'espère cet effet de la vôtre en mon endroit que vous, Monseigneur, qui pouvez toutes choses, me procurerez cet avantage que, si la paix se fait dans le royaume, je ne reste point inutile. En quel lieu que je serve, je suis trop heureux et ne saurais jamais désirer de plus glorieuses récompenses de mes services que celles-là d'être toujours dans les occasions de bien servir. Je ne puis encore m'empêcher de vous représenter ce que j'estime être grandement du service du Roi que les troupes qui sont en cette armée reçoivent quelque contentement de leurs montres (3). C'est une espèce de merveille qu'elles aient pu subsister et servir avec tant d'affection jusques à maintenant, et quoique je n'aie oublié nulle sorte d'industrie et d'art pour maintenir l'armée et l'entretenir d'espérances, néanmoins je ne puis reporter cela à mon savoir faire, ains plutôt au bonheur qui accompagne les armées du Roi. Et quand bien nous serions en paix, toujours estimé-je que cela serait de mauvais exemple pour ceux qu'on voudrait employer à l'avenir si ces troupes qui servent avec tant d'affection et, si je l'ose dire, avec utilité, ne reçoivent quelque satisfaction. 

Je ne faudrai point encore, Monseigneur, à vous supplier que je vous aie cette obligation que, par votre moyen, je puisse être honoré du titre de duc. Monsieur de la Reule, qui vous fit cette supplication de ma part, me dit que vous aviez trouvé à propos qu'il en parlât à Sa Majesté et qu'après cela, vous m'y favoriseriez. Comme je ne doute point de votre pouvoir et que vous voulez que je sois encore assuré de votre affection en ce sujet, cela me fait espérer que ce bien m'arrivera, lequel me sera d'autant plus cher que je penserai le tenir de vous. Je me suis porté à faire cette demande parce qu'elle me pût être accordée sans nul préjudice aux affaires du Roi et qu'il me semble que pareilles ayant été accordées à d'autres avec justice et raison, je ne puis désirer cet effet de la bonté de Sa Majesté. Vous n'obligerez jamais personne qui honore plus parfaitement nos vertus ni sur qui  vous avez un pouvoir plus absolu que sur moi, qui suis de tout mon cœur,

Monseigneur,

Votre très humble et très obéissant serviteur.

Thémines.

Du camp du Mas d'Asil (4), 20e septembre 1625.


(1) Sylvestre de Crugy de Marsillac, alors maître de chambre du cardinal de Richelieu. Il sera amplement question de lui dans cette correspondance à partir de 1626. (NDE)

(2) «Il signifie aussi quelquefois reconnaissance. (…) La reconnaissance est un ressentiment qu'on a du bien que quelqu'un nous a fait» (Furetière).

(3) Thémines commandait alors les troupes qui avaient été envoyées en Languedoc pour contenir l'agitation protestante. (NDE) «Montre, en termes de guerre, se dit de la revue qu'on fait des troupes pour voir si elles sont complètes et pour en régler la marche et le paiement. Il y a des commissaires à faire les montres. (…) Montre signifie aussi la solde qu'on paye aux soldats ordinairement dans ces revues. Les troupes n'ont point reçu d'argent depuis trois mois, il leur est dû trois montres. On appelle montre sèche les revues où l'on ne donne point d'argent» (Furetière)

(4) Le maréchal de Thémines se disposait alors à assiéger le Mas d'Azil, que tenait une petite armée protestante. Il devait échouer dans son entreprise. Par une lettre datée du 13 novembre suivant (A.E., Mém. & Doc., Vol. 1627, fo 245) Louis XIII l'invitera à se rendre à Saintes pour y attendre ses ordres. (NDE) 

Des extraits de cette lettre du Roi figurent avec l'analyse de la lettre envoyée par le maréchal au cardinal en janvier 1626 («Il prie qu'on lui donne le moyen non seulement de subsister, mais de pouvoir rendre service avec l'armée qu'il a»): «Le maréchal de Thémines, ainsi que semble le montrer ce résumé, se trouvait encore à la tête de l'armée qui avait été destinée à réprimer la rébellion des huguenots du Languedoc. Au cours de l'automne 1625, il avait été contraint de lever le siège du Mas d'Azil. Le 13 novembre 1625, le roi avait décidé de le rappeler pour l'employer contre les protestants de l'Ouest: «Faisant considération de l'état général de mes affaires, disait la lettre royale, et reconnaissant que ceux de la Rochelle m'entretiennent de belles paroles sans me donner aucun effet de leur fidélité, et que leur désobéissance ne me permet pas de donner la paix à tout mon royaume comme j'aurais désiré, j'ai résolu, ayant égard qu'en mon armée d'Aunis il s'offrirait un digne emploi pour deux maréchaux de France, de me servir de vous en cette importante occasion et de vous donner la conduite de cette armée conjointement avec mon cousin le maréchal de Praslain». En fait, Thémines devait recevoir la mission de tenir solidement la Bretagne. Mais à cette date, le roi lui avait prescrit de prendre ses dispositions pour répartir les troupes qu'il commandait dans différentes garnisons et même d'en licencier une partie, «ne pouvant par cette considération faire aucune levée de nouvelles troupes»; après quoi, ajoutait le roi, «vous remettrez mon armée en la conduite de vos maréchaux de camp ou de l'un d'eux qui se trouvera près de vous, et partirez aussitôt pour vous acheminer en la plus grande diligence qu'il vous sera possible en ma ville de Xainctes, où vous retirerez mes ordres et commandements» (A.E., Mém. & Doc., Languedoc, 1627, fo 245. - Original) » (ibid. pp.283-284).


Lettre du maréchal de Thémines ordonnant la démolition des fortifications de Camarade

Le marquis de Thémines, maréchal de France, lieutenant général pour le Roi au gouvernement de Guienne et commandant son armée en Languedoc.

Il est enjoint aux consuls des lieux mentionnés en l'état ci-attaché de mander promptement avec tous outils le nombre d'hommes qui leur est ordonné pour la démolition du lieu de Camarade, temple et autres forts des environs par la direction du sieur de Gardeur (1), ou tel autre qu'il pourra mettre en son absence ou légitime empêchement. Et qu'à cet effet, en cas de refus ou remise, ils y seront contraints comme il est accoutumé pour les propres affaires de Sa Majesté. Enjoint à tous prévôts, huissiers et sergents de faire tous exploits (2)  nécessaires.

Fait au camp devant le Mas-d'Azilz, le douzième jour de septembre mille six cents vingt cinq.

Thémines

Par Monseigneur, Lacourt

Rôle des lieux qui fourniront les ouvriers pour la démolition du fort de Camarade et autres des environs, au nombre porté par icelui, adressé au sieur de Gardeur, commissaire par nous député en cet endroit. 

Montjoy, au diocèse de Rieux: 8 hommes
Tourtoze: 6
Fabas: 4
Sainte-Croix: 4
Rimont: 6
Seix: 6
Cirisoly: 6
Bédeille: 4
Castelnau de Durban: 6
Alzen, La Bastide de Cérou: 6
Montesquieu: 6
Lescure, diocèse de Couserans (3): 10

72 hommes

Thémines


(1) Barrière-Flavy précise en note dans son introduction (p.284): «Gardeur ou Legardeur, famille du Couserans qui fut maintenue dans sa noblesse en 1667 et 1698. Elle fut représentée aux assemblées de la noblesse en 1789. Cf. l'abbé Duclos, Histoire des Ariégeois, tome VII».

(2) «Exploit se dit aussi des actes et expéditions que font les sergents» (Furetière).

(3) Montjoy: Montjoie, commune de 1800 habitants, canton de Saint-Lizier, arrondissement de Saint-Girons. Tourtoze: ou Tourtouse, commune de 640 habitants, canton de Sainte-Croix, arrondissement de Saint-Girons. Fabas: commune de 880 habitants, même canton. Sainte-Croix: 1580 habitants, chef-lieu de canton. Rimont: commune de 1688 habitants, canton de Saint-Girons. Seix: commune de 3118 habitants, canton d'Oust, arrondissement de Saint-Girons. Cirisoly: ou Cérizols, commune de 523 habitants, canton de Sainte-Croix. Bédeille: commune de 630 habitants, même canton. Castelnau-Durban: commune de 1600 habitants, canton de Saint-Girons. La Bastide-de-Sérou: 2600 habitants, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Foix. Alzen, commune de 770 habitants, même canton. Montesquieu-Avantès: commune de 660 habitants, canton de Saint-Lizier. Lescure: commune de 1516 habitants, canton de Saint-Girons. (NDE)



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