L'onzième tome du Mercure français, ou suite de l'Histoire de notre temps sous le règne du très chrétien roi de France et de Navarre Louis XIII
Publication parisienne lancée en 1611, le Mercure retrace les événements publics année par année. Pour 1625, il livre des informations intéressantes non seulement sur le débat qu'a provoqué l'intention de faire aller l'armée de Thémines en Foix mais aussi sur ce qui a précédé le siège du Mas d'Azil (et particulièrement sur ce qui s'est passé aux Bourrets et aux Bordes). L'échec de l'armée royale est attribué principalement au choix d'attaquer la ville du côté de l'Arize … et à la mauvaise saison. À noter que les intertitres sont ici ceux publiés en marge sur l'original.
L'onzième tome du Mercure français, ou suite de l'Histoire de notre temps sous le règne du très chrétien roi de France et de Navarre Louis XIII (années 1625-1626), pp.898-910.
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Continuation de la guerre au Languedoc
Voyons ce qui se passait au Languedoc et principalement au Pays de Foix.
Nous avons dit ci-dessus (folio 781 (1)) que les soulèvements qui s'étaient faits au pays de Foix par les partisans réformés du duc de Rohan cependant que le maréchal de Themines lui faisait la guerre en Albigeois avaient nécessité le comte de Carmain (gouverneur de Foix) de se résoudre d'y reconduire ses troupes et persuader ledit sieur maréchal d'y mener l'armée.
Or, après le combat de Vianes qui fut le dernier juillet, le duc de Rohan se retira avec ses troupes à Castres et ledit maréchal et les chefs de l'armée furent sept jours à Lautrec, et depuis autant à Lavaur, en attendant des nouvelles des syndics du pays de Foix pour être informés de l'état de l'artillerie, des munitions et des provisions que l'armée pourrait tirer dudit pays.
(1) Après la bataille de Viane (31 juillet), le Mercure écrit (à la page 782): «Cependant que les armes se remuaient ainsi en Albigeois contre les Réformés, les soulèvements qui se firent en Foix en l'absence du comte de Carmain leur gouverneur le nécessitèrent d'y reconduire ses troupes et de persuader le maréchal de Themines d'y mener l'armée».
Entreprise sur Tillet faite par ceux de Realmont avec perte
Sur l'avis reçu qu'on avait fait descendre les canons du château de Foix et des poudres pour en tirer mille coups, délibération fut prise de s'y acheminer le 14 d'août. Mais comme on se disposait de partir, le duc de Rohan (qui avait envie de divertir ce voyage et faire retenir l'armée du Roi en l'Albigeois pour donner du temps à ses nouveaux soulèvements en Foix de se fortifier et se préparer à se défendre) fit deux entreprises.
La première sur Tillet, pour l'exécution de laquelle celui qui commandait dans Realmont fit sortir cinq cents hommes. Lesquels, pensant la nuit pétarder Tillet, trouvèrent Granval et de l'Escute qui gardaient le dedans et trois compagnies du régiment d'Albigeois qui étaient en garde devant barricadées seulement. Lesquelles reçurent si vigoureusement les Réformés de Realmont qu'ils les contraignirent de retourner d'où ils étaient venus, remmener vingt blessés et laisser une vingtaine de leurs compagnons étendus morts sur la place. Des Albigeois, il en fut tué quinze et peu de blessés.
Mandoul, maison forte près de Castres, rendue au duc de Rohan
La seconde fut que ledit sieur duc sortit de Castres avec le canon pour battre Mandoul, maison à un quart de lieue de Castres appartenant à un gentilhomme réformé obéissant au Roi. Laquelle le capitaine la Croix (qui la gardait avec douze soldats de ladite Religion) lui rendit, à composition d'en sortir avec les armes.
On tenait que ces deux entreprises n'avaient été faites que pour divertir le maréchal de Themines du dessein qu'on avait pris de mener l'armée du Roi dans le pays de Foix.
Opinions contraires sur la proposition de mener l'armée au païs de Foix
Le Conseil de guerre assemblé, les opinions y furent diverses.
Ceux qui avaient intérêt à ce que l'armée ne bougeât de l'Albigeois disaient que son absence laisserait leurs maisons à l'abandon du duc de Rohan et de ceux de Castres qui deviendraient maîtres de la campagne et leur rendraient au double le dégât qu'on avait fait aux environs de leur ville.
Ceux qui faisaient instance que l'armée fût conduite en Foix représentaient les incommodités où on l'allait mettre en la ramenant aux environs de Castres, qui était un pays tout mangé,
que l'armée était faible, les régiments étant réduits à un petit nombre d'hommes, la famine en ayant fait débander la plupart tandis qu'ils étaient en ce pays-là,
que les régiments (n'ayant point fait montre depuis que l'armée était sur pied) murmuraient et étaient prêts à se débander entièrement si on ne les menait à un pays nouveau et qui n'eût point été foulé de gens de guerre,
que le Pays de Foix était prêt à fournir toutes choses nécessaires aux soldats, qu'avec le pays de Mirepoix, on en pouvait tirer deux mille bons hommes sur pied pour fortifier l'armée,
que le château de Foix pouvait fournir des munitions avec lesquelles on pourrait prendre d'abord trois ou quatre petites villes,
que outre cela, c'était l'intention du Roi et que celle du duc de Rohan n'était que de pouvoir divertir le voyage de Foix et retenir l'armée en Albigeois, laquelle n'y pouvait produire d'autre effet que d'empêcher que les Rebelles ne sortissent point de leurs villes.
Sur ces deux opinions contraires, la conclusion fut prise d'en envoyer savoir la volonté du Roi. Mais le comte de Carmain, requis par les syndics de Foix de retourner en diligence en son gouvernement pour y mettre un ordre aux progrès que faisaient les Réformés, partit dès le lendemain pour aller en Foix exécuter ce qu'il pourrait avec les seules forces du pays.
Les affaires étant en cet état, M. le Maréchal prévoyant bien la diminution de l'armée si on la ramenait vers Castres, se laissa aller à l'opinion de ceux qui la désiraient être conduite au pays de Foix. Sur ce, on la fait retourner sur ses pas, on s'achemine en Foix et le comte de Carmain, au mandement de M. le Maréchal, l'attendit à S. Felix où il se rejoignit à elle le 23 d'août.
Les rebelles de Calmont courent les environs de Tholose
Le lendemain, l'armée alla loger aux environs de Castelnaudary, là où il fut résolu d'attaquer Calmont, petite ville à demie lieue de Mazeres, dans le Colloque du pays de Foix (1).
Cette petite place était sans autres fortifications que de son fossé, de ses tours et de ses guérites dont elle était flanquée tout à l'entour. Elle avait causé mille dommages à ses voisins et avait irrité le peuple de Tholose pour les courses que les Rebelles qui y étaient en garnison faisaient tous les jours sur les métairies des environs.
(1) Calmont était en Languedoc et non en Comté de Foix mais étant protestante, la cité appartenait aussi au colloque (sous-région synodale) du Pays de Foix.
Ils s'enfuient le 3e jour du siège et mettent le feu dans Calmont
Après quelques coups de canon, les Rebelles effrayés prirent résolution de s'enfuir et d'y mettre le feu. Ce qu'ils exécutèrent le troisième jour du siège à la faveur de la nuit. Ils se sauvèrent du côté du régiment de Tholose. Celui qui le commandait fut blâmé de les avoir laissé passer sans les faire charger.
Et sont défaits par le marquis d'Ambres
Le marquis d'Ambres, qui était en garde à mille pas de là avec sa compagnie de chevaux-légers, oyant le bruit des fuyards, les chargea et en défit la plupart. Cette nuit, on vit la ville en feu: les ennemis l'y avaient mis en se retirant. Et le lendemain, quelques misérables qui s'y étaient cachés dans des caves furent pendus.
Arrêt portant injonction à tous nobles des sénéchaussées de Tolose, Carcassonne, Lauragais et Foix de se rendre à l'armée pour y servir le Roi à peine d'être déchus de leur noblesse
L'armée (comme il a été dit ci-dessus) étant fort diminuée, sur la requête de M. le Procureur général, le Parlement de Tholose donna le suivant arrêt.
«Vu la requête présentée par le Procureur général du Roi que ores par les lois du Royaume les gentilshommes et autres tenant fiefs nobles soient tenus aux occasions de la guerre de servir sa Majesté au ban et arrière-ban, et suivant les conditions et la nature des fiefs qu'ils tiennent.
Ce néanmoins la Cour est avertie que ladite (1) Majesté ayant dressé une armée au Languedoc sous la conduite et commandement du sieur de Themines, maréchal de France, lieutenant général en Guyenne qui agit depuis le mois de juin dernier passé avec les heureux progrès qui sont connus à un chacun dans le détroit des Sénéchaussées de Tholose, Carcassonne, Lauragais et Foix,
plusieurs desdits gentilshommes et nobles se sont tenus dans leurs maisons particulières sans s'être rendus près de lui ou près du sieur duc de Ventadour (2), lieutenant général pour sa Majesté au gouvernement de Languedoc, et faisant défection à la Religion, à l'État, au service du Roi et au secours de leur patrie, n'ont daigné s'acquitter de ce à quoi et l'exemple de leurs ancêtres, la condition de leur naissance, la qualité de leurs fiefs les oblige,
en quoi le public reçoit un grand préjudice, et dont les ennemis du Roi pourraient prendre avantage.
Tendant la dite requête à ce que par la Cour soit sur ce pourvu, la Cour, ayant égard à ladite requête, a ordonné et ordonne que dans huitaine par toutes préfixions et délais, tous seigneurs, gentilshommes et nobles étant dans l'étendue desdites sénéchaussées de Tholose, Carcassonne, Lauragais et Foix se rendront dans les armées du Roi pour y servir sa Majesté contre les Rebelles, suivant l'ordre qui leur en sera donné, à peine d'être déchus du grade de noblesse et privés de tous honneurs et avantages, et déclarés eux et leurs postérités roturiers et ignobles, et de saisie de leurs fiefs.
Et afin qu'il ne soit prétendu cause d'ignorance du contenu audit arrêt, ordonne ladite Cour qu'il sera lu et publié aux sièges des Sénéchaussées (3) et autres lieux où besoin sera. Enjoint ladite Cour aux substituts dudit Procureur général tenir la main à l'exécution du présent arrêt et de leurs diligences en certifier la Cour.
Prononcé en Parlement à Tholose ce 27 août 1625.»
(1) La version de cet arrêt reproduite en appendice du Récit véritable du 7 septembre 1625 met «Sa dite».
(2) La même version met «du sieur de Ventadour».
(3) Et «desdites Sénéchaussées».
Nouveaux régiments levés au pays de Foix
Au conseil de guerre qui fut tenu après la ruine de Calmont, aucuns proposèrent d’aller droit à Pamiez, la ville épiscopale du pays de Foix. D’autres conseillèrent d’aller attaquer le bas Saverdun, et de là qu’on irait à Las-Bordes, Savarat, Camarade, le Mas d’Azil, et puis finir par Pamiez: ce qui fut arrêté.
Pour l’exécution, le comte de Carmain s’en alla à Varilles, afin de faire partir les canons de Foix et les forces du Pays, qui étaient de quatre régiments de cinq cents hommes chacun, commandés par les Sieurs d’Ansignan, de Durban, de Maillac et de la Passe.
M. le Maréchal cependant prit le chemin de Cintegabelle où il fut quelques jours avec l’armée. Là on quitta le dessein d’attaquer le bas Saverdun: on part le second de septembre pour aller à S. Hibaret (1), d’où partit de nuit le régiment de Normandie pour aller investir Las-Bordes, à deux lieues de là.
(1) Saint-Ybars, qui surplombe la vallée de la Lèze.
Le fort de Bourrets ...
Le baron de Durban avait le jour auparavant, avec sa seule compagnie de chevaux-légers, fait abandonner aux ennemis cinq ou six forts aux environs de Las-Bordes, dans lesquels il avait mis garnison, hormis dans le fort nommé de Bourrets, lequel était de si peu de considération qu’il fut méprisé par le baron de Durban. Et néanmoins, la nuit suivante, les rebelles y retournèrent et se résolurent d’y tenir bon, ne s’imaginant pas que l’armée en fût si près.
Cette même nuit, le régiment de Normandie ayant eu ordre de se loger à Campaigne (qui est à une mousquetade du fort de Bourrets et à un demi quart de lieue de Las-Bordes), quelques soldats du même régiment, voulant prendre du fourrage à l’entour de ce fort, furent tués par la garnison.
… est forcé avec perte
Le lendemain, sur les dix heures, l’armée arriva à Campaigne. La cavalerie fut commandée d’aller investir le fort de Bourrets. M. d’Aunoux perdit deux gendarmes et quatre carabins, et en eut autant de blessés. M. le Maréchal y arriva sur le midi, avec le régiment de Normandie, qui en fit les approches. Les assiégés demandent la vie pour vingt et cinq soldats qu’ils étaient, elle leur fut refusée. Ils se résolvent à se défendre et de vendre leur peau. Ils attendent le canon, ne pouvant s’enfuir: ils endurent vingt et huit coups de canon. Le capitaine Bret, qui commandait dedans, fut tué sur la brèche.
Cinq des rebelles pendus
La compagnie du baron de Mellé donne l’assaut : on les emporte. Ils se défendent pied à pied, et fallut monter sur le toit pour les prendre et les forcer. Les Royaux y perdirent plus de trente soldats, et une vingtaine de blessés. La Bastide, sergent du capitaine Prat, qui avait si bien fait à Viane, y fut tué. On trouva cinq ennemis cachés dans des creux, d’où on les tira pour les pendre.
Janbonnet abandonné
Cependant, le sieur de Castagnac tenait assiégé le fort de Janbonnet près du Carla, avec la compagnie du comte de Carmain et le régiment de Cursol. Il perdit cinq soldats aux approches, avec la Serre, lieutenant audit régiment. La nuit ensuivant, les rebelles s’enfuirent et abandonnèrent ce fort.
Las-Bordes assiégée et abandonnée par les Rebelles qui y mettent le feu
Ce même jour on fit les approches de Las-Bordes, petite ville du Comté de Foix, fortifiée de ses tours seulement et de ses fossés et guérites, avec quelques petits dehors. Le sieur de Bast, aide de camp du comte de Carmain, y fut blessé d’une mousquetade au pied. La nuit arrivée, les Rebelles demandent à parlementer, le sieur d’Ambouix et le ministre sortirent: il apprennent la volonté de M. le Maréchal. Ils s’en retournent dans la ville pour rendre compte aux habitants de leur négociation. Le ministre retourne à l’armée pour continuer la capitulation, Ambouix ne l’accompagne point, il demeure dans la place. Et cependant que le ministre était auprès dudit sieur maréchal, Ambouix fait mettre le feu à la ville, et avec les habitants s’enfuit au Mas d’Azil à la faveur de la nuit et d’une colline dérobée qui entretenait le commerce de ces deux villes.
Ceux de Savarat en firent de même
Les habitants de Savarat, qui était une autre ville à deux mousquetades de Las-Bordes, en firent de même: ils mettent le feu dans leur ville et s’enfuient au Mas-d’Azil par le même chemin. Le lendemain matin, on vit ces deux villes en feu par le zèle et désespoir inconsidéré de ses propres habitants. Leurs ministres les avaient aussi tellement animés à la rébellion, que de deux prisonniers que le sieur de Maillac avait pris, l’un s’échappa et s’encourut se précipiter lui-même dans les flammes.
Ceux du Mas d'Azil, sur l'espérance d'être secourus, se résolvent à se défendre
Cependant ceux du Mas-d’Azil, effrayés, envoyèrent demander en l’armée un passeport pour parlementer. Il leur est accordé et envoyé. Mais ayant reçu avis du duc de Rohan qu’il était sorti de Castres pour leur jeter du secours, et que de leur résistance dépendait le salut de toutes leurs Églises, ils reprennent cœur, s’opiniâtrent à leur défense, et se résolvent à ne vouloir entendre à aucune reddition de leur ville.
Ce que fait le duc de Rohan pour divertir ou faire aller en longueur le siège du Mas d'Azil
Sur cet avis que le duc de Rohan était sorti avec du canon de Castres, M. le Maréchal laisse le comte de Carmain aux environs du Mas-d’Azil, et lui, avec la cavalerie et le régiment de Normandie, en partit pour l’aller rencontrer et le combattre.
Mais au troisième jour de son départ, il eut avis que le duc de Rohan, ayant su son acheminement, avait ramené son canon à Castres, après avoir pris à composition les vingt habitants de Sieurac, qui tenaient bon dans un fort qu’ils avaient fait de boue et de terre à demi-lieue de Castres.
Ceux qui avaient reconnu que cette sortie du duc de Rohan avec son canon était une ruse, pour seulement faire venir à lui ledit sieur Maréchal et pour le divertir de presser ceux du Mas-d’Azil cependant que ledit duc prendrait son temps pour y faire couler du secours, préjugèrent lors, à cause de la saison d’automne qui s’avançait et laquelle est pluvieuse extraordinairement et quelquefois pleine de neiges dans le pays de Foix, que le siège du Mas-d’Azil ne réussirait pas comme on se l’était proposé.
Le fort de Gabré rendu
Durant les 8 jours que M. le Maréchal fut en son voyage, le comte de Carmain, qui était demeuré aux environs du Mas d’Azil, contraignit ceux de la tour et fort de Gabré de se rendre. Le capitaine Robert qui y commandait avec ses soldats firent leur déclaration d’obéissance entre ses mains. Cette tour de Gabré est dans une montagne où tous les verres du pays se font.
Et Camarade
Ceux de Camarade, qui avaient commencé de parlementer avec le comte de Carmain, se rendirent à M. le Maréchal étant de retour en l’armée, lequel leur accorda la vie, à condition de lui rendre les clés de leur ville, et leurs quatre livrées consulaires.
Le Mas d'Azil assiégé, diverses opinions sur la forme de l'attaquer
Nonobstant donc la saison de l’automne et le secours premier qu’avait fait couler le duc de Rohan dans le Mas-d’Azil, on l’assiège le treizième de septembre. Le conseil de guerre assemblé sur la forme d’attaquer, il fut résolu que ce serait du côté de l’eau, ce qui fut fait contre l’avis de ceux qui représentaient que l’attaque se devait faire du côté de la terre, où l’on pouvait aller pied à pied, et qui remontraient que l’attaquant du côté de l’eau, il s’y pourrait rencontrer plusieurs inconvénients, car bien que la rivière qui passe au pied de la ville fût petite, elle grossissait en automne tellement en deux jours qu’elle inondait tous les environs. Partant, que si on l’attaquait du côté de l’eau, au-delà de laquelle on ne pouvait faire aucun logement, on courrait hasard d'une défaite au premier débord de la rivière, qui ôterait la communication de l’armée. Plus, que ce côté était encore de difficile accès, car l'on n’y pouvait descendre de la montagne qu’à découvert, les canons n’y savaient être conduits que très difficilement, les tranchées n’y pouvaient être aussi que malaisément conduites. Bref, que le péril était très grand, à cause de la descente de la montagne où l’on serait à découvert à demi-portée de mousquet.
État de l'armée du Roi devant le Mas-d'Azil
Nonobstant toutes ces incommodités alléguées, la place fut investie le 15 de septembre par l’armée composée de la moitié du régiment de Normandie, des régiments de Cursol, d’Annonay, de Vaillac, d’Aiguebonne, de Ventadour, de Mirepoix, de Durban, d’Ansignan, de Maillac, et de la Passe, et de six compagnies de cavalerie faisant quatre cents chevaux.
Les canons étant en batterie tonnent et éveillent les assiégés: ils firent bien une grande brèche, mais elle se trouva réparée quand on la fût reconnaître pour donner l’assaut. On est nécessité donc de changer la batterie pour refaire une autre brèche. Les munitions manquent, et faut attendre qu’on en apporte de Tholose. La mauvaise saison approche : les pluies continuelles font grossir la rivière, les tranchées nagent toutes d’eau, le soldat est dans la boue jusques au genou, et les assiégés reçoivent un second secours qui entre du côté des troupes de Foix.
Assaut
Des nouvelles munitions venues de Tholose, on fait une seconde brèche et, bien qu’elle fût reconnue n’être pas suffisante, on donne l’assaut le 12 octobre (contre l’opinion de ceux qui soutenaient qu’il fallait prendre cette place pied à pied), où il se perdit de braves hommes. On fut repoussé, l’armée diminue, et le mauvais temps et la rigueur de la saison nécessitent les chefs de résoudre de lever le siège. La peine fut à retirer les canons, qui étaient tellement embourbés et la montagne si difficile qu’il fallut les démonter et les retirer avec des cordages.
Le siège levé
Ainsi le siège du Mas-d’Azil fut levé, le mauvais succès duquel fut imputé à la rigueur de la saison, laquelle semblait combattre pour les Rebelles.
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