Le siège du Mas d'Azil et ce qui s'est passé en Foix durant les derniers troubles de l'année 1625 (écrit par M. de Saint Blancard)

Début du manuscrit


Jacques de Gaultier, sieur de Saint-Blancard était l'un des principaux officiers de l'état-major de Rohan. Selon La France protestante, il «succéda à son père, en 1614, dans le gouvernement de Peccais (1). Nommé, en 1621, amiral du Levant par l'Assemblée de La Rochelle, Saint-Blancard arma une flottille à la tête de laquelle il sema la terreur sur les côtes du Languedoc. L'année suivante, il défendit bravement La Tour-l'Abbé contre Châtillon qui le força néanmoins à capituler après dix jours de siège. Gouverneur de Viane, en 1625, il commanda sous Rohan un corps de 700 mousquetaires et servit, en qualité de maître de camp, à la prise de Sommières. Détaché à la tête de 500 hommes pour secourir le pays de Foix, il se jeta dans le Mas d'Azil que le capitaine Larboust avait vaillemment défendu jusque là, repoussa trois assauts et força le maréchal de Thémines à abandonner honteusement son entreprise au mois d'octobre. Quelque temps après, il accompagna en Angleterre Soubise qui allait demander assistance au roi Charles, et Rohan affirme qu'il exerça une grande influence sur la résolution que prit le gouvernement anglais d'envoyer une flotte au secours de La Rochelle. Saint-Blancard, revenu en France avec Soubise et les Anglais, fut tué le 22 juillet 1627 à la descente dans l'île de Rhé. ''C'était, dit Rohan, un jeune homme dont la piété, le courage et l'entendement combattaient à l'envi à qui le rendrait plus illustre''» (2)


Son manuscrit du récit du siège du Mas d'Azil figure, à la suite d'un autre récit (de la même écriture mais plus bref) du combat de Sommières le 5 juillet de la même année (folios 220v à 224v), à la fin d'une série de copies ou originaux de documents liés aux guerres de Rohan (années 1622-1625) d'origine réformée et reliés ensemble pour constituer le volume 1402 du Fonds français de la Bibliothèque nationale. Les deux récits de Saint-Blancard (peut-être originaux car celui du Mas d'Azil est signé) ont été mis après les récits des sièges de Montpellier (folios 203r à 216v) et Briatexte en 1622 (folios 217r à 220r). Le récit du siège du Mas d'Azil a sans doute été rédigé très peu de temps après les évènements comme un rapport adressé au duc de Rohan par l'un de ses principaux officiers. Celui-ci s'en servira d'ailleurs dans ses Mémoires par l'intermédiaire des Mémoires sur 1625 rédigés par un autre de ses officiers. Il a été publié (sans la partie introductive sur les évènements ayant mené au siège) par Barrière-Flavy en 1894 avec une analyse que nous reproduisons plus bas.


Manuscrit du Fonds Français 1402, Bibliothèque Nationale de France, folios 225r à 238r.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9007662n


(1) En Camargue, près d'Aigues Mortes.
(2) Eugène et Émile Haag, La France protestante, tome 5, Paris/Genève, Joël Cherbuliez, 1855, p.235, à la suite du membre le plus célèbre de sa famille, François de Gautier, sieur de Saint-Blancard, le très politique et diplomate pasteur de Montpellier réfugié après 1683 en Hollande puis à Berlin et auteur d'une Histoire apologétique ou Défense des libertés des Églises réformées de France (1688).

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L'armée de Thémines quitte l'Albigeois pour le Pays de Foix


L'armée du Roi, étant aux environs de Lavaur, tenait le duc de Rohan en incertitude, ne pouvant juger si le maréchal de Themines tournerait vers Realmont ou s'il assiégerait Britexte ou Revel, ou Soureze en Lauragois. Pour n'être surpris aux lieux susdits, il manda le marquis de Lusignan avec ses régiments de Valescure et de Montetus (qui pouvaient faire tous deux 800 hommes) à Realmont, celui de Futton (de pareil nombre) à Revel et Soureze, et Britexte. Et lui, ayant su que le dit maréchal marchait en Lauragois (qui était aussi le chemin de Foix), part de Castres avec le régiment de St Blancard et s'en va à Puylaurans pour pouvoir le plus près remédier à tout. 


Avant partir, il reçut nouvelles des villes de Foix et de Bretigny (gouverneur du colloque) que le maréchal en voulait à eux, qu'il se faisait de grands préparatifs pour le siège de Pamies et que s'il n'envoyait promptement un grand secours, que cette ville extrêmement grande, faible et mal peuplée ne pouvait attendre que la fortune de St Paul et Lamiate, et que la perte de la capitale ville entraînerait celle de tout le pays. Le duc, considérant que quand les avis qu'ils lui donnaient des desseins du maréchal seraient infaillibles, il lui était impossible de les secourir, ne pouvant y envoyer sans péril que les troupes de Revel et Soureze, lesquelles n'auraient pas plus tôt quitté que le maréchal, au lieu d'aller en Foix, prendrait ces places qui sont sur le chemin. Il renvoie en Foix pour leur dire que puisque leur secours ne se pourrait faire qu'avec danger, il serait assez à temps de le hasarder lorsqu'il serait entièrement certain du dessein du maréchal. Et arrivé avec cette résolution à Puylaurans le lendemain pour tâcher à découvrir le dessein des ennemis, il envoie un laquais et une lettre au comte de Carmaing par laquelle il lui mandait qu'il s'émerveillait fort de ce que St Gery (un négociateur de paix) tardait tant à venir, que s'il en savait de nouvelles, il l'obligerait de lui en mander, sinon que s'il trouvait bon qu'un gentilhomme le vît de sa part (lui mandant un passeport du maréchal), il serait bien aise de lui faire savoir des choses qui ne lui seraient pas désagréables. Le comte, se croyant déjà le médiateur de la paix, répond ne savoir point de nouvelles de St Gery, et envoie de passeport par un trompette. Le duc envoya Dupuy de Montauban pour tâcher de découvrir son dessein. Il dit au comte que leur préparatif semblait au duc une chose fort superflue, que la paix ne leur donnerait pas le loisir de rien exploiter et qu'en l'état où étaient les affaires, il y allait de la conscience de faire entretuer des hommes qui pourraient bientôt s'employer ensemble pour le service du roi, que sans dépense et sans danger, toutes ces villes qu'ils voulaient attaquer seraient bientôt sous l'obéissance de Sa Majesté et que s'ils voulaient donner un passeport afin que le duc mandât à la Cour. Il avait envie de savoir à quoi tenait le retardement de St Gery. Le comte, croyant que toute l'espérance du duc fût à la paix, fut bien aise de ce discours, promet de s'employer pour obtenir le passeport du maréchal et se laissa emporter à tant de discours (que Dupuy remarqua) sans soupçonner de fraude : qu'il dit que la paix ferait une grande diligence si elle empêchait qu'il ne châtiât ceux de Pamies qui s'étaient portés insolents en son endroit en l'affaire de leur consulat. Et tint plusieurs autres discours, lesquels examinés avec les lieux auxquels étaient logés les principaux chefs des troupes (qu'il apprenait sans faire semblant d'en être en souci en lui demandant de leurs nouvelles), joint la rencontre qu'il fit du canon sur le chemin de Foix, le rendirent certain qu'ils s'en allaient en ce pays-là. 



Saint-Blancard envoyé au secours du Pays de Foix: Caumont, Mazères, Saverdun, Pamiers


Le duc, ayant été par ce moyen assuré du dessein des ennemis, se résolut de hasarder un secours en Foix quoique les ennemis fussent logés sur tous les villages du chemin, fait choisir 400 hommes à St Blancard sur son régiment et celui de Fretton, en prenant 20 hommes et un sergent de chaque compagnie sous prétexte d'aller à une prise de ville (car les soldats craignaient fort le voyage de Foix, y ayant autrefois été maltraités), choisit aussi 4 capitaines des deux régiments : savoir Faucon, Lolivier, Lermet et Vaumale. Et ayant joint à Revel sur la nuit ceux qui s'étaient apprêtés d'aller à l'entreprise, prennent tous ensemble le chemin de Foix avec une telle diligence et disposition qu'ils furent le lendemain à 10 heures à Mazeres (7 lieues de Revel et neuf de Puylaurans) sans avoir donné alarme aux villages où était l'armée, entre lesquels ils passèrent la nuit. Mais sur le jour, les ennemis étant avertis de leur passage, firent soudain monter à cheval 4 compagnies de cavalerie qui arrivèrent déjà à Caumont comme St Blancard à Mazeres. Où ayant fait dîner ses gens et considérant que le but de son voyage était d'aller à Pamies, et que la cavalerie qui l'avait suivi après avoir repû pourrait bien venir à Montaut pour lui rendre très dangereux le passage d'une grande plaine qui est de Mazeres jusques à Saverdun ou à Pamies, se résolut de partir et gagner Saverdun. Ce qu'il fit et, de là, ayant à choisir deux chemins (un par la montagne et l'autre par la plaine), jugeant que tous ceux qui le sauraient à Saverdun avec des gens de pied concluraient qu'il cherchait la montagne (vu même qu'il s'était allongé pour cet effet), prit le chemin de la plaine et mena ses troupes sans mauvaise rencontre, les ayant contraints à cheminer deux nuits et un jour avec grande sévérité, et fait 12 lieues de ce pays-là. Ayant donné un jour de repos à son monde qu'il employa à considérer la situation de cette mauvaise ville, il fit le lendemain travailler avec une merveilleuse diligence soldats et habitants, départant les retranchements qu'il avait marqués aux capitaines les plus diligents. Faucon eut charge avec 100 hommes de faire une bonne redoute sur une pointe de montagne qui s'étendait fort près de la ville. Lermet en fit une autre avec des tonneaux sur une butte d'un autre côté si proche de la ville qu'on pouvait aisément y jeter des pierres. La Rousseliere avec deux compagnies d'habitants retranchait un quartier de la ville appelé Leaumet qui amoindrissait fort la garde. Le reste des habitants était employé à emplir de portes de terre les esplanades de murailles qui servaient de tranchées toutes faites et à faire provisions de palissades, sacs, gabions (1) et autres choses nécessaires. Le bruit de ce grand remuement donna sujet aux ennemis de consulter sur ce qu'ils avaient à faire et à la résolution qu'ils virent à Caumont leur fit croire qu'ils n'auraient pas bon marché de Pamies. Ceux de Caumont, comme courageux mais sans expérience, voulurent endurer le siège contre la volonté de Bretigny qui voulait qu'ils portassent de bonne heure leurs commodités à Mazeres et qu'ils brûlassent leur ville. Le maréchal ayant fait approche du canon et tiré 2 ou 3 coups, ceux de Caumont s'émerveillant de la grosseur de la balle et l'ayant pesée et trouvée de 44 ou 48 livres, se résolurent à quitter le lieu mais non pas à se rendre. Pour cet effet, ils sortirent de la ville par un chemin qu'ils avaient assez libre, laissant des personnes pour mettre le feu qui s'en acquittèrent si bien que tout fut brûlé, et se retirèrent tous dans Mazeres. 


(1) «Panier d'osier de figure cylindrique, haut de cinq à six pieds, et large de quatre, qu'on emplit de terre pour couvrir des batteries sur le rez-de-chaussée, ou pour servir de parapet à des lignes, ou à des logements, quand la terre est difficile à remuer. Ce mot vient de gabbia» (Furetière).



L'armée de Thémines arrive aux alentours du Mas d'Azil 


Dès lors, la réputation du susdit secours et travail de Pamies fit résoudre au maréchal de prendre toutes les petites villes du Haut Foix (1), espérant de tirer et avoir à sa puissance tous les hommes de ce pays-là qui étaient dans Pamies, et après avoir détruit tout un colloque, être plus redoutable et en plus d'estime pour être assisté de Tholoze au siège de Pamies qu'il voyait bien ne se pouvoir plus prendre sans contraste (2) avant que d'aller aux Bordes.

Ne faut aussi oublier un acte héroïque de sept soldats de Foix qui se résolurent d'attendre dans une méchante maison de terre nommée Chambonnet auprès du Carla le maréchal de Themines avec toute son armée, qu'ils arrêtèrent deux jours entiers. Et après lui avoir tué à diverses attaques plus de quarante hommes, n'ayant plus de munitions et voyant approcher quelques pièces de canon, ils délibèrent de se sauver de nuit. Pour cet effet, un d'eux sortit pour reconnaître par où ils pourraient passer entre les corps de garde. Ce qu'ayant exécuté, en se retirant, la sentinelle de la dite maison l'apercevant et croyant que ce fût un des ennemis, le tire et lui coupe (3) une cuisse. Celui-ci ne laisse de faire son rapport, enseigne le moyen de se sauver, les y exhorte. Mais le frère de celui-ci (qui était celui qui l'avait blessé), outré de douleur, ne le voulut quitter : lui disant que puisqu'il avait été instrument de son malheur, il voulait être compagnon de sa fortune. Le bon naturel d'un de leurs cousins germains le fait résoudre à pareil sort, ainsi les quatre autres à la sollicitation de celui-ci. Et à la faveur de la nuit, après s'être embrassés, se sauvent et ces trois ici se mettent à la porte, chargent leurs arquebuses, attendent patiemment la venue du jour et reçoivent courageusement les ennemis, desquels en ayant tué plusieurs, meurent libres. Les noms de ces pauvres soldats méritent leur place dans l'histoire, leur action étant comparable aux actes les plus mémorables de l'Antiquité.

Il va donc assiéger les Bordes, une petite villette au haut comté, fait ses approches auxquelles ceux de dedans se défendent bien. Et étant arrivé de Pamies (auparavant le maréchal) le capitaine Amboix de ce pays-là, qui pria de lui laisser aller défendre son pays, Bretigny avait fait jeter dans Pamies le plus de gens qu'il avait pu et les ayant appelés à la défense de cette ville capitale de leur pays, avait trouvé ceux de Mazeres et Saverdun sans oreilles (4), il leur manda donc que puisqu'ils ne voulaient venir défendre Pamies ce qu'il fallait que cette ville se perdît (5), ils vinssent retirer deux canons qu'il y avait afin que les ennemis ne les butinassent et s'en servissent contre eux. À quoi ils furent tout prêts et vinrent 3 ou 400 hommes de ces villes pour chercher le canon. Lesquels étant à Pamies, Bretigny dit qu'il fallait garder la ville, non amener le canon. Et par ce moyen eut des gens pour faire garde en attendant le secours. Lequel arrivé, fut impossible de plus retenir ces gens qui s'écoulèrent tous sans congé, excepté une partie qu'il envoya au Carla et ceux qu'Amboix ramena à leur frais. Ainsi étant pourvu le haut Foix, ils promettent faire merveilles pour donner le loisir à Pamies de s'accommoder. Mais à la batterie du canon aux Bordes, ils se résolurent à se rendre. Amboix fut envoyé pour faire la capitulation, qui n'ayant rien rapporté d'agréable et accusé par le ministre Moynier et quelques autres de ne l'avoir su assez bien faire et mandent le ministre Moynier comme plus éloquent pour l'obtenir. Cependant, aucuns soldats de la ville auxquels cela ne plaisait point mettent le feu aux quatre coins, encouragent les habitants de se tenir à leur première résolution de ne se rendre, et tous ensemble sortent et gagnent une montagne fort proche, grandement rude qui leur donna facile moyen de se rendre au Mas Dazil, fort proche de là, laissant le capitulateur prisonnier du maréchal qui eut affaire de son bien dire pour se sauver de là. Le maréchal s'en va à Savarat où les habitants se jugeant trop peu de gens se retirent au Mas fort voisin, ayant auparavant eux-mêmes embrasé entièrement toutes leurs maisons. 

Ceux du Mas envoient à Pamies crier au secours. Ils avaient assez de gens, mais la faiblesse de leur ville et le peu d'intelligence de leurs capitaines les étonnaient (6). Quoique Brétigny et St Blancard jugeassent cette place aussi faible que les autres, néanmoins ils se résolurent de l'opiniâtrer (7), considérant qu'elle était bien fournie de poudres et qu'il y avait une si grande facilité d'en faire que si le maréchal la prenait sans gâter les siennes, il en ferait un atelier qui lui en fournirait plus qu'il n'en pourrait gâter au siège de Pamies qui n'était encore (8), qu'il y avait assez d'hommes au Mas pourvu qu'il y eût de la résolution. Ils envoient Larboust, gentilhomme qui avait suivi les troupes pour l'amour de St Blancard à ce voyage, lui font une compagnie d'un nombre de soldats élus sur tous les autres tant d'habitants qu'étrangers. Arrivé au mas, il partage le commandement avec Amboix sous l'ordre des Consuls et se met à travailler à l'exemple de ce qu'il avait vu à Pamies avec telle diligence qu'avec des tonneaux dont cette ville était bien pourvue, et fit trois ou quatre pointes en forme de demi-lunes au delà du fossé, en sept jours qu'il y fut avant la venue du maréchal qui s'amusa, après la prise des Bordes et Savarat, à prendre Camarade et Gabre, petits hameaux assis en lieux avantageux qui se rendirent à composition. Le maréchal en fit pendre une partie et employa le reste à servir de pionniers aux tranchées du Mas, dont quelques-uns se sauvent et se jettent dedans la Roche du Mas dazil, et aidèrent à la défendre. Il ruina entièrement tous ces villages qu'on lui avait quitté et les murailles que le feu n'avait pu abattre. Il y employait son armée pour obliger ceux du Mas et autres qu'il attaquerait à se rendre de bonne heure pour tâcher de s'affranchir d'une si grande désolation. Et vint bien à propos au Mas l'armée de Larboust car sans icelle, une partie des principaux se voulaient rendre et cuident être les plus forts (9). Le 11 de septembre, l'armée parut devant le Mas. J'estime préalable décrire la situation et puis la façon en laquelle ils campèrent autour.


(1) Pour Saint-Blancard, le Haut Foix désigne le pays protestant de l'Arize (et non le Haut Comté de Foix en amont de Foix sur l'Ariège), qu'il désigne ensuite par l'unité administrative huguenote de colloque.
(2) «Contestation, contrariété de sentiments» (Furetière).
(3) Occitanisme : copar signifie casser.
(4) Ils font les sourds, ne veulent pas entendre ses appels à renforts.
(5) Ce qu'il fallait pour que cette ville ne soit perdue.
(6) La faiblesse de leur ville et le peu d'entente entre leurs capitaines les effrayaient.
(7) De la faire résister.
(8)  Saint-Blancard et Brétigny craignent que les réserves de salpêtre (et donc de poudre) de la grotte du Mas facilitent ensuite un éventuel siège de Pamiers par Thémines.
(9) Comme aux Bordes, une partie des notables dirigeant la ville souhaite composer avec Thémines.




Situation du Mas et préparatifs du siège


Le Mas dazil est un petit lieu environ de 200 maisons fort pressées, presque en forme d'ovale. Il a le Carla à une lieue sur le Nord, et Saverdun à 3 sur le même vent, et Pamies au susdit en même distances. Il est environné de montagnes de tous côtés et dans toutes les rues qui voient dedans. Ces montagnes sont néanmoins plus éloignées les unes que les autres, la ville étant assise contre le pied de celle qu'elle a du côté de l'Ouest, et rendant par ce moyen une petite plaine entre les montagnes du côté de l'est et la ville. Du côté du sud de la ville, il y a une montagne éloignée environ de 3 arquebusades qui va de l'est à l'ouest. Cette montagne se joint avec celle qui est à l'ouest de la ville, va s'inclinant du Nord au Sud. En l'assemblage de ces montagnes, Nature a fait une voûte admirable, ayant percé le pied de ses rochers et faisant passer, à travers d'une galerie capable de loger plus de 2 000 hommes, un beau ruisseau. C'est là l'arsenal duquel on tire une quantité merveilleuse de salpêtre. Cette grotte est disposée en multitude de belles chambres et les entrées, quoique très grandes, sont néanmoins assez fortes, ayant été ajoutée à la fortification naturelle une muraille que Jeanne d'Albret fit bâtir afin de la faire fermer à clé. Ce fut le refuge de quelques pauvres gens de Camarade qui y retirèrent leurs familles et combattirent là-dedans la nécessité avec beaucoup de constance. Cette grotte est à 1 000 ou 1 200 pas de la ville, le ruisseau qui passe à travers icelle vient serpentant du Sud au Nord et sépare la ville de la montagne qu'elle a sur son ouest, ayant environ 12 pas de large et fait moudre un moulin où commence la ville, et se repliant de l'est à l'ouest, la tourne quasi à moitié et s'en va passer à Savarat et aux Bordes, et finalement se jette à la Garonne. Les montagnes voisines de la ville qui sont sur son  ouest sont de pente fort douce avec diverses esplanades qui sont toutes pleines de vignes. 

Ce fut là que le maréchal logea sur le haut de la montagne, mettant entre lui et la ville qui est audit pendant les dix compagnies du régiment de Normandie conduites par Avene (qui devaient être de 200 hommes chacune), le régiment du duc de Vantadour de 15 compagnies commandées par Roquebrune, le régiment du comte de Crussol de 10 compagnies, le régiment du marquis de Nonnay (1) de 10 compagnies, le régiment d'Aiguebonne de 10 compagnies, le régiment de Claux (2) de 5 compagnies, le régiment d'Aussignan de 5 compagnies, le régiment des communautés du haut Comté de Foix de 8 compagnies commandé par Maillac, le régiment du bas Comté de Foix de 6 compagnies commandé par la Passe. Ces neuf régiments étaient tous logés au-delà de la rivière, tenant depuis le Nord-Est jusques au Sud, passant par l'Est. Et au-deçà de la rivière, du Nord-Est au Sud, passant par l'Est, étaient logés le régiment de Vaillac de 10 compagnies, le régiment de Mirepoix de 10 compagnies et le régiment de Tholoze de 5 compagnies, commandé par un capitoul. Ils soutenaient ces trois régiments de toute leur cavalerie à cause de la plaine qui est de ce côté-là, excepté quelque compagnie qui entrait en garde au logis du maréchal. La cavalerie consistait en 40 maîtres de la compagnie du maréchal, 50 en celle du comte de Carmaing (gouverneur du pays) qui outre cela avait bien 100 volontaires bien armés et montés, 60 maîtres de la compagnie du duc de Montmorancy commandés par Aunous, la compagnie de Mougon de 60 maîtres, la compagnie de Mervile de 40 maîtres, la compagnie du vicomte de Serre de 50, les amis de Durban qui avaient fait une brigade de 30 maîtres, le vicomte de St Geron (3) de 20, de Dalou de 40 maîtres (et ces 3 allaient toujours ensemble). La bastide de Casenove (gouverneur de Montaut et enseigne du comte de Carmaing) avait 40 maîtres à son gouvernement qui servaient alors à l'armée. Outre cette cavalerie, y avait une bonne compagnie de carabins des gardes du maréchal et du comte de Carmaing. Cette armée avait pour maréchaux de camp le comte de Carmaing et le marquis de Ragny ; le président de Faure et le conseiller Calmels pour chefs du Conseil de la justice et des finances ; et pour commander à l'artillerie, Ponserme, lieutenant du grand maître en Languedoc.

Deux jours devant l'arrivée de l'armée, ceux de la ville voulurent brûler quelques granges mais les ennemis leur étant venus sur les bras, ils se retirèrent en ayant tué trois, sans nulle perte de leur côté que d'un soldat blessé. Ce même jour, les ennemis vinrent reconnaître la place à la faveur de 8 ou 900 hommes. Ceux de dedans, pour les empêcher, sortirent en nombre de 800 habitants et, en escarmouchant, en tuèrent 4 qu'ils eurent en leur puissance. Un des leurs fut blessé qui mourut depuis. 


(1) Annonay.
(2) Duclos.
(3) Saint-Girons.



Journal du siège jusqu'à l'intervention de Saint-Blancard


Le jour que l'armée parut et se logea en la forme susdite qui fut le 11 de septembre, ceux de la ville tuèrent 17 hommes des plus curieux qui voulaient conter de nouvelles aux autres. Aucun des assiégés ne fut blessé (quoiqu'il fût fort tiré de part et d'autre) qu'une femme dans la ville qui fut blessée d'une mousquetade. Ceux de la ville emportèrent 3 mousquets après ces escarmouches. Un trompette apporta au Mas deux lettres (l'une du comte de Carmaing, l'autre d'un gentilhomme voisin appelé Durban) adressantes aux Consuls et qui portaient avis qu'il y avait encore moyen de traiter s'ils y voulaient entendre. Ces lettres (reçues par le capitaine Arman de Pamies, lieutenant de Larboust) furent portées à leur Conseil de guerre, qui trouva bon que le dit Arman rendit les dites lettres au dit trompette, qui dirait à ceux qui l'avaient envoyé que la ville n'était plus au pouvoir des Consuls, lesquels ne se mêlaient plus que de la police, mais que les gens de guerre gouvernaient, auxquels si on eût écrit, ils eussent répondu. À cette réponse, les assiégeants tirèrent vingt un coups de canon en ruine (1) du haut de la montagne (quoiqu'il fût quasi nuit) où était le logement du maréchal. Ils ne firent autre mal que tuer une femme.


Le vendredi 12, environ les 9 heures, il y eut quelques coups tirés de part et d'autre, avec lesquels ceux de la ville tuèrent deux soldats. Les assiégeants tirèrent 5 coups de canon.


Le 13, ceux de la ville mirent quelque bétail dehors, du côté du pont, pour allécher les assiégeants à le prendre. Quelques-uns des plus friands y voulurent aller et ceux de la ville (qui s'étaient préparés à cet effet) en tuèrent 12 sur la place. Il fut grandement tiré par tous les quartiers ce jour-là, sans autre dommage des assiégés que de deux soldats blessés dans les rues. 


Tout le 14e fut passé en diverses escarmouches sur le fait du bétail qu'ils avaient fait sortir d'autre côté, qui fut pris et ramené dans la ville à diverses fois, les soldats ne pouvant souffrir qu'il se perdît et les habitants les aimaient mieux à l'ennemi que de les voir mourir de faim. Il fut tué ce jour-là un capitaine de la ville appelé Gassy, fort brave homme et qui servait fort utilement. 

Cependant, le maréchal faisait ses approches du côté de la montagne (où il était logé à l'ouest de la ville) et faisait descendre son canon, et la nuit en batterie au port d'une carabine. Il y avait 7 canons et deux moyennes qu'il logea en deux endroits. Ceux de la ville tiraient incessamment de ce côté-là et surent par le rapport d'un soldat qui se vint rendre que deux canoniers avaient été tués cette nuit-là. 

Ils tirèrent une ligne de la tranchée qui venait aboutir au bout de la ville contremont (2) la rivière et une autre qui aboutissait au bout d'en bas, et conjoignirent l'une à l'autre par une autre ligne qui prenait quasi le bord de la rivière. Leurs batteries étaient au-dessus de cette ligne, environnées d'un petit parapet, et étaient encore plus assurées par la difficulté du lieu que par leur travail, car il était impossible d'aller à leurs tranchées avec effet, d'autant qu'il fallait passer la rivière et remonter difficilement pour aller à eux. Et ils étaient logés en sorte qu'il leur fallait moins de temps à venir au secours du quartier de Normandie qu'il n'en fallait à ceux de la ville pour aller du lieu où ils seraient découverts jusques aux tranchées.


Le 15, le maréchal envoya un autre trompette pour les sommer de se rendre et remettre la ville en l'obéissance du Roi. Auquel, par l'ordre du Conseil de la ville, fut répondu qu'ils étaient très humbles et fidèles sujets du Roi, et que si Sa Majesté y était en personne, qu'ils lui rendraient toute sorte d'obéissance. Mais qu'ils ne voulaient rendre ni eux ni leur ville au Maréchal, les desseins duquel ne tendaient pas tant à faire obéir le Roi (3) qu'à ruiner leur religion, comme il paraissait par le traitement fait à ceux de Gabre et de Camarade (villages voisins qui lui avaient porté les clés de leurs palissades, partie desquels avaient été pendus et les autres contraints à travailler à découvert à ses tranchées), que les gens de guerre étaient encore moins en volonté de se rendre et ne voulaient faire aucune réponse qu'après avoir ouï tirer 2 000 coups de canon, après lesquels ils s'aviseraient à quoi se résoudre.

Le maréchal (sur le tant moins), le lendemain leur en fit tirer 187. La nuit, en fait encore tirer sept pour leur empêcher les réparations auxquelles les hommes et les femmes travaillaient de grand courage. Le capitaine Larboust leur montrait exemple d'y travailler sans peur, lequel s'y employa fort vigoureusement. Il fut fort tiré de part et d'autre, sans qu'on aie pu savoir le dommage  que reçut l'ennemi. Une seule femme de la ville eut une jambe emportée d'un coup de canon, ce qui n'empêcha pas les autres de travailler avec beaucoup de résolution. 

Ici, je ne passerai sous silence l'honnête et courageux office de deux soldats des assiégeants qui, pour retirer un de leurs compagnons mort sur la porte du pont, se coulèrent sur le ventre jusques au mort et, à la faveur du soir, l'ayant chacun attaché par un pied, s'en retournèrent en se traînant, quoiqu'il leur fût assez tiré. 


Le 16, quatre tambours des assiégeants et 7 ou 8 soldats s'approchèrent pour faire chamades (4) afin d'essayer si les tambours seraient plus heureux que les trompettes. Ceux de la ville répondirent à mousquetades, tuèrent un tambour et un soldat qu'ils laissèrent sur le lieu. Le canon d'autre côté tira 180 coups et tua une femme, et en blessa fort une autre. Les ruines que cette batterie lente faisait étaient réparées par un très diligent travail à quoi tout le monde s'évertuait. Ils tirèrent la nuit 12 coups de canon pour les empêcher.


Le 17, le feu prit aux poudres d'une batterie, et ayant entrouvert tous les gabions et écarté tous ceux qui ne furent atteints, ceux de la ville ne perdirent pas temps à tirer dessus, de sorte que, selon le rapport d'un soldat de la religion qui se vint rendre depuis, il y fut tué 24 hommes et plusieurs blessés du feu ou de la ville. Cela fit que le canon ne tira ce jour-là que 37 coups, de l'un desquels un verrier de Gabre fut blessé, dont il mourut depuis. Et ce même coup tua un autre soldat dans la tour de la porte du bout de la ville. 

Ceux qui étaient logés à la Roche furent baillés à prendre au régiment de Toulouse, qui ayant vu quatre de leurs bourgeois morts, les pressèrent depuis si doucement que souventes fois, on leur portait la nuit du pain au Mas (5). 


Le 18, un soldat de l'ennemi fut tué dans les vignes d'une mousquetade et un autre dans la tranchée qui allait au bout de la ville contremont la rivière, près du Moulin. En revanche de quoi, il fut tiré 178 coups de canon. De l'un desquels une femme fut tuée sur la brèche en y apportant de la terre, et un soldat blessé.


Le 19, les ennemis tâtèrent avec leur canon en divers endroits, tirant partie en ruine, partie au moulin, partie au lieu où ils avaient tiré les jours précédents. Auquel lieu ils avaient fait une brèche environ de 50 ou 60 pas (6) que ceux de la ville avaient raccommodée (à cause de la lenteur de leur batterie) avec du bois et de la terre, en sorte qu'elle était plus forte que devant qu'ils commençassent à y battre (7). Et outre ce, avaient fait un petit fossé et une palissade derrière. Il ne fut tué dans la ville qu'un soldat en voulant tirer (8), un autre de l'ennemi y fut vu aller par terre d'une mousquetade de la ville. 


Le 20, les Tholozains voulurent se loger plus proche de la Roche. Ils perdirent cinq soldats qui furent tués par les arquebusades de ces pauvres gens, et quoiqu'ils se fussent bien approchés, ne purent jamais empêcher (à cause de la bizarre situation de ces rochers) que toujours quelqu'un de la ville ne leur apportât du grain. Ce jour-là ne fut tiré que 74 coups de canon et ne fut blessé que deux soldats dans la ville. Ce même jour furent amenées les deux coulevrines (9) de Foix, que l'on mit en batterie dans le vignoble en un lieu nommé les Boulbennes, afin de battre en ruine dans les rues de la ville et dans les petits travaux qu'ils avaient fait dehors. Il en fut tiré deux coups dans un petit ravelin (10) du côté de l'Ouest qui, pour être un peu plus grand que les autres, était appelé le Grand Bastion. La nuit suivante, il fit grande pluie qui n'empêcha pas qu'on ne tirât force mousquetades des tranchées, ceux de la ville demeurant cois. Le canon aussi ne tira point cette nuit-là.


Le 21 (qui était jour de dimanche), ils tirèrent 72 coups de canon, tant en ruine qu'à la brèche, avec fort peu d'effet. Et la principale intention des assiégeants étant de ruiner le service de Dieu à leur possible, ils en firent quelque essai ce jour-là, pointant la plupart des coups de canon contre le temple à l'heure qu'ils estimaient l'assemblée car il leur était facile de choisir l'endroit de la ville dans lequel ils voulaient tirer. Mais le capitaine Larbous fut avis que l'heure et le lieu du prêche fussent changés, et Dieu le voulut pour le salut des ministres et plusieurs autres car de deux ou trois volées de canon tirées à même temps, la chaire et les bancs proches furent tout accablés de la ruine des frêles murailles de cet édifice.


Quelques jours auparavant, le duc de Rohan ayant été averti que le maréchal avait assiégé le Mas, envoya au secours du [Pays de] Foix le reste du régiment de Fretton. Ceux du Mas n'étaient pas paresseux de donner des nouvelles et ceux qui en venaient appréhendaient que les deux capitaines qui gouvernaient sous les Consuls ne s'en acquitassent assez bien. Cela avait été cause que Bretigny y avait envoyé Auros (gentilhomme du pays) pour y commander mais les capitaines Damboix et Larboust ne le voulurent pas recevoir et il s'en retourna. Dusson (principal habitant du Mas) persuada au capitaine Valette (sergent-major de Fretton et brave homme) d'y aller avec lui, et qu'il ferait qu'il y serait reconnu. Valette part de Pamies avec ordre de Bretigny pour y commander et s'en va au Carla avec sa compagnie et trente ou quarante habitants auxquels Cave de Pamies commandait pour Valette au Carla. Ils eurent de la peine d'être reçus, le baron de Leran se méfiant de tout ce qui venait de Pamies à l'occasion de Bretigny. Cette ville n'était pas sous l'ordre du pays: le baron de Leran le père (lequel avait commandé en Foix durant les autres guerres), piqué de ce qu'il n'avait pas été fait gouverneur, s'était jeté dans Le Carla et y avait tant monopolé (11) qu'il se l'était entièrement acquise et y avait extrêmement méprisé Bretigny. Et leur haine était fort préjudiciable au pays à cause de cette place qui n'était distante du Mas qu'une lieue et assise au pays propre pour y mener un secours. Le duc de Rohan, sage médecin de ce mal, envoya Villemur (prétendu beau-frère du baron de Leran) et Auros avec des provisions de gouverneur pour le baron sans reconnaître Bretigny et quelques autres petits dédommagements qui étaient de ses intérêts, avec ordre aux susdits de ménager cette affaire avec St Blancard. Il y fut si bien opéré que le baron promet (néanmoins assez incertainement) de recevoir des gens pour le secours du Mas. Et pourtant l'autorité du duc y fut redressée au moins en apparence, d'où procédait un grand bien, tant pour fortifier le courage du peuple du Mas et du Carla que pour faire faire appréhender à l'ennemi. Auquel l'arrivée de Valette au Carla (et sa compagnie qui y entra après quelques promesses de n'entreprendre rien sur le dit lieu) fit croire aux ennemis que l'affaire était entièrement accommodée.


La nuit du 21, Valette (désirant entrer dans Le Mas) part seul avec Truc son lieutenant et un couple de bons guides, laisse sa compagnie au Carla afin d'entrer plus facilement (espérant de la faire entrer peu à peu) et arriva sans mauvaise rencontre. Les capitaines Damboix et Larboust ne voulurent point recevoir son ordre mais se l'associèrent pour commander tous trois ensemble, et les Consuls donnèrent le mot. Valette, désireux de servir (quoiqu'il n'en fut guère content), s'y accommoda.


Le 22 furent seulement tirés 53 coups de canon, tant à la brèche qu'en ruine. Et la nuit en fut tiré trois pour tenir en crainte les travailleurs. On travaillait à un corridor joignant le grand ravelin qui flanquait la brèche, et hommes, femmes et enfants ne s'y épargnèrent pas. Cette nuit, dix bons soldats s'écoulèrent par dessus une petite demi-lune qui était joignant le grand ravelin et faisait tenaille avec icellui, et ayant passé la rivière, montèrent aux vignes près la batterie et y tuèrent trois soldats, et rapportèrent un mousquet et une épée. Le canon ne fit ce jour-là mal à personne qu'à un soldat de Pamies qui, voulant tirer derrière un gabion, fut averti par la sentinelle de mettre ventre à terre. Ce qu'il fit si à propos que le gabion fut emporté et lui tout couvert de terre, et son mousquet rompu par la moitié.


Le 23, le canon (à faute de munition) ne tira que 9 coups et les assiégeants mirent un corps de garde à la venue par où ceux de la ville avaient fait cette petite sortie. Et cette même nuit, sept braves soldats qui s'étaient associés Pitorre de Saverdun, Laporte et Lapeyrasse de Mazeres, se venant jeter volontaires dans la place, trouvèrent ce nouveau corps de garde en leur chemin, qu'ils chargèrent brusquement, se firent passage après en avoir tué deux et emportèrent un mousquet et une épée. Dieu, en cette nuit, donna une pluie qui incommoda beaucoup les assiégeants et dura par intervalle l'espace de 3 jours. De laquelle les assiégés se trouvant plus soulagés que ceux de dehors, ils se mirent à railler les ennemis, leur offrant des capes et leur demandaient de la poussière. À quoi les assiégeants répondaient qu'il fallait bien que Dieu fût devenu huguenot puisqu'il les traitait ainsi. En revanche de quoi, ces malheureux (au bout de trois jours), voyant le temps très beau et bien raffermi, criaient aux assiégés: «Chantez maintenant ''Donne secours, Seigneur, il en est heure'' (12) ! Et dis à ton huguenot de Dieu qu'il fasse maintenant pleuvoir !».


La nuit du 24e, les sieurs Dusson et de Cave arrivèrent du Carla au Mas avec la compagnie du capitaine Valette et les soldats de Cave. Ne firent aucune mauvaise rencontre que tout contre la ville du corps de garde qui avait donné entrée le soir précédent aux soldats qui étaient entrés. Le dit corps de garde lâcha incontinent, de sorte qu'il ne se perdit personne de part ni d'autre, fors d'un soldat qui s'égara. De tout ce jour ne se tira que deux coups de canon, de l'un desquels un Sevenol eut la moitié de la tête emportée, et deux de ses compagnons un peu blessés, tous en même rang lorsque la compagnie du capitaine Valette marchait en revue. Autres deux coups la nuit, mais force menaces que leurs munitions viendraient bientôt et qu'ils mettraient tout en poudre en peu de temps. Ce qui donnait fort à penser aux assiégés.


Le 25, ils tirèrent 27 coups de canon, tant en ruine que contre les murailles. Desquels fut tué dans la ville trois hommes. Et soir, deux honnêtes hommes du pays avec deux soldats et un guide vinrent du Carla au Mas pour avoir leur part du siège, l'un desquels se perdit sur la Roche à côté du logis du maréchal, et un autre tomba du haut en bas et ne se perdit point. Ce qu'étant venu à la connaissance des chefs, ils y envoyèrent deux guides pour savoir s'ils en pourraient apprendre nouvelles en trouvant leurs corps, ayant opinion qu'on les avait tués. L'un fut trouvé vivant et l'autre non. 

Cette même nuit, le capitaine Casteran (excellent guide, avec Truc, lieutenant du capitaine Valette) sortit du Mas pour aller à Pamies chercher du secours, pour opposer à la grande attaque dont on les menaçait, et représenter la confusion qu'apportait à la ville l'état du commandement, et les grands préparatifs d'échelles et munitions des ennemis, et les incommodités du dedans.


Le 26, le canon tira 27 coups. De l'un desquels deux soldats furent tués et d'un autre un garçon eut la jambe emportée, et une femme fut blessée. Et un garçon tué d'une mousquetade, étant sorti dehors pour avoir des raisins. La nuit suivante, ceux de la ville tuèrent une sentinelle perdue (13) du régiment de Mirepoix. 


Le 27, le baron de St Remy envoya un tambour vers la ville, désirant de parler à Dusson de la part du maréchal, et demanda trêves à ces fins, qui durèrent un quart d'heure. Et ne fut permis à St Remy de parler que de la tranchée en hors, et à l'autre du travail (14). Ils furent interrompus par les soldats qui tirèrent d'un côté et d'autre par deux fois, et même la dernière fois l'ennemi tira trois ou quatre coups de canon à l'endroit où parlait Dusson, qui ne firent pourtant nul effet. Environ la minuit fut tiré trois coups de canon et peu après douze ou quinze soldats de Pamies firent une sortie sur les tranchées où ils tuèrent cinq hommes et se retirèrent au bruit de l'alarme. On tira de la batterie deux coups de canon, de l'un desquels un soldat en remontant par la brèche eut une jambe emportée, et une fille fut tuée dans sa maison. Somme: ce jour furent tirés (ou la nuit) quinze coups de canon. 


Le 28 ne fut tiré que deux coups de canon, force mousquetades, sans personne de blessé dans la ville. 


Le 29, il fut fait grande escopetterie (15) du dehors, et furent tirés onze coups de canon en ruine vers le moulin. Et la nuit cinq coups et force mousquetades, et firent sonner trompettes de toutes parts, de sorte que ceux de dedans ne pouvaient croire autre chose sinon qu'ils les voulussent assaillir, de façon qu'ils se préparèrent à les soutenir. Un soldat de ceux qui se venaient jeter dedans (16) fut trouvé mort dans l'eau au-dessus du moulin avec de très cruelles blessures qui, après avaient été remplies de foin et d'herbe et les jambes garrotées, avait été ainsi jeté dans l'eau.


Le 30, l'ennemi fit un grand Salve (17) et firent tirer 33 coups de canon, tant en ruine qu'au moulin, d'où fut tué un garçon et une femme fort blessée. Cependant, ils avaient déjà avancé leurs tranchées jusques au bord de la petite rivière. Et pour les continuer au-delà et venir à couvert à la pointe de la demi-lune et approche du moulin, ils firent un pont fort proprement avec des tonneaux qu'ils remplirent, s'en servant comme des piliers du pont. Puis de l'un à l'autre mettent de grandes traverses de bois, faisant par ce moyen des arches à passer l'eau entre les rangées des tonneaux. Et l'ayant pris fort large, mirent sur les traverses de bois des tonneaux pour couvrir leur pont du côté de la ville, faisant toujours de bons corps de garde pour soutenir ce travail auquel mousquetades ne manquaient pas.


Le premier d'octobre, il plut, mais non pas assez pour ruiner le pont. Il ne fut tiré ce jour-là que 7 coups de canon, tant en ruine qu'à la tour du moulin, dans laquelle furent tuées deux femmes. Un soldat de l'ennemi, s'étant venu rendre, assura qu'il était mort 8 canonniers depuis le commencement du siège et qu'ils en attendaient d'autres et force munitions pour faire un grand effort ce soir. Falantin (capitaine d'une compagnie des habitants du Mas) ayant reconnu que l'ennemi posait le soir des sentinelles au-delà du pont dans les vignes, les voulut attaquer et commanda à Rudille son lieutenant d'aller poser six soldats de deux à deux au lieu où l'ennemi posait ses sentinelles (Rudille, ayant posé ses deux sentinelles premières avant que celles des ennemis vinssent, et posant les autres). Un sergent de l'ennemi, venant pour poser les siennes à l'heure acoutumée, fut attendu par celles de Rudille qui, de deux coups de petrinaux (18), en tuent l'un et se jettent chacun au colet de l'autre et du sergent la dague à la main. À ce bruit, Rudille court au secours, et les trouvant aux prises et le sergent dessus son soldat qu'il avait blessé, le tua d'un coup de pistolet. Et ayant ramassé les armes, les apportèrent à la ville. 

Cette même nuit, le capitaine Damboix ayant choisi 40 soldats sur les quartiers (19), fit sortie sur un corps de garde du côté de Midi qu'ils avaient avancé  à une métairie fort proche, toute ruinée. La sentinelle perdue tira son coup en les découvrant. Mais suivie de près par Damboix et les siens, ils sont aussitôt quasi que l'alarme au corps de garde et le défont entièrement. Quelques-uns s'étant voulu couvrir de quelque masure, furent forcés à l'aide de quelque grenade qu'Amboix y fit jeter. Et en ayant tué 25 et dépouillés, se retirèrent devers la ville, sans perte que de deux soldats seulement (ayant été blessés à coups de pique). 


Le second, fut tiré 26 coups de canon qui ne firent mal à personne. Les mousquetades de la ville portaient mieux, un soldat dans une vigne ayant été vu aller par terre d'une mousquetade. Ceux de la ville firent sortir de nuit quelques chèvres et, les ayant conduites près du pont, leur attachèrent des mèches allumées aux cornes et les chassèrent devers les ennemis, où l'appétit des vignes les portait assez du côté du canon. L'ennemi crut que c'était quelque remarquable sortie: quand ils découvrirent les mèches, se mettent en armes par toutes les tranchées et firent un terrible salve sur les chèvres, lesquelles étant affamées ne restèrent pas de courir par les vignes. En sorte que tout le camp s'alarma et tirèrent par les quartiers plus de 500 mousquetades.



Le 3, l'ennemi fut calme tant le jour que la nuit à cause des pluies et du manque des munitions qui n'étaient encore arrivées. Ils criaient avec grandes huées que Dieu était devenu huguenot.



Le 4e, il fut tiré 23 coups de canon et deux environ la minuit, du vent de l'un desquels un sergent étant emporté dans la demi-lune, fut jeté dans le fossé et mourut sans aucune blessure. En la même nuit fut tué de mousquetades deux garçons et un pionnier qui travaillait à un petit fossé au pied du grand bastion.


(1) «En termes de guerre et de combats, battre en ruine, c'est-à-dire : détruire, défaire, mettre en déroute» (Furetière). Ici, cela signifie des tirs directs sur les habitations de la ville pour la détruire et démoraliser les habitants.
(2) En amont de, vers l'amont de.
(3) Occitanisme: obedir lo Rei (obéir au Roi).
(4) «Terme de guerre. C'est un certain son du tambour, ou de la trompette, que donne un ennemi pour signal qu'il a quelque proposition à faire au commandant, soit pour capituler, soit pour avoir permission de retirer des morts, faire une trêve, etc. Ménage dérive ce mot de l'italien chiamata, qui a été fait de clamare» (Furetière).
(5) Les réfugiés des villages voisins réfugiés derrière les fortifications de la grotte du Mas sont chargés de harceler le régiment de Toulouse qui campe non loin. Ce régiment formé de bourgeois de Toulouse ayant eu 4 de ceux-ci tués lors de ces escarmouches, il maintient une sorte de trêve tacite avec les habitants de la grotte, ce qui permet à ceux-ci de faire passer souvent du pain au Mas de nuit. 
(6) Environ 35 à 40 mètres. 
(7) Elle était mieux fortifiée qu'avant qu'ils commencent à tirer dessus.
(8) Il s'est découvert en ajustant son fusil pour tirer.
(9) «Pièce d'artillerie fort longue et qui porte bien loin. Son calibre est de quatre pouces dix lignes de diamètre. Son boulet est de 16 livres» (Furetière).
(10) «Terme de fortification. Sa première signification était un bastion plat, posé au milieu d'une courtine. Depuis, on en a fait une pièce détachée qui a seulement deux faces et on lui a ôté les flancs. Maintenant, on l'appelle demi-lune. Il sert à flanquer les faces des bastions» (Furetière).
(11) «Monopole signifie aussi: assemblée populaire, cabale secrète qui se fait au désavantage de l'État. Ce royaume est divisé en factions, il s'y fait plusieurs cabales et monopoles qui causeront sa ruine. Monopoler: faire des monopoles, des cabales.» (Furetière). 
(12) Premier vers du psaume 12 versifié par Clément Marot dans le Psautier de Genève: «Donne secours, Seigneur, il en est heure: - Car d’hommes droits sommes tous dénués: - Entre les fils des hommes ne demeure - Un qui ait foi, tant son diminués».
(13) Sentinelle la plus avancée et donc la plus en risque d'être perdue (voir Furetière: «On appelle enfants perdus ceux qu'on expose les premiers pour monter à une brèche»). 
(14) À Saint-Rémy depuis la tranchée royale la plus avancée et à Dusson depuis les fortifications que les assiégés étaient en train de renforcer (travailler).
(15) «Décharge de plusieurs coups d'escopette, de carabine, de mousquet, fait tout à la fois.» Escopette: «Arme à feu faite en forme de petite arquebuse, qu'on porte avec une bandoulière. La cavalerie française s'en servait sous le règne de Henri IV et de Louis XIII, et portait à ce qu'on dit cinq cents pas» (Furetière).
(16) Qui venaient du dehors au secours des assiégés. 
(17) Saint-Blancard met ce mot féminin («Salut militaire qui se fait par la décharge tout à la fois de plusieurs coups d'artillerie ou de mousquèterie pour faire honneur à quelqu'un», Furetière) au masculin et avec majuscule, peut-être en jeu de mot avec le Salvé des catholiques («Premier mot d'une prière ou séquence qu'on fait à la Vierge, qu'on chante sur le point de l'exécution des criminels. Ce qui l'a mis en usage est cette phrase proverbiale: Il faut chanter le Salvé. C'est à dire qu'une affaire est abandonnée, qu'il n'y a plus d'espérance à la faire réussir», Furetière). 
(18) Arme intermédiaire entre l'arquebuse et le mousquet, que l'on appuyait non sur une fourchette mais contre la poitrine (d'où son nom). 
(19) «En termes de guerre, est le lieu assigné à certaines troupes pour vivre, loger et camper. (…) Les quartiers d'un siège sont les principaux campements qui servent à boucher les principales avenues d'une place. (…) Se dit aussi des soldats qui gardent ces campements» (Furetière).



Journal du siège à partir de l'intervention de Saint-Blancard


Peu de jours auparavant, le duc de Rohan avait envoyé Valescure avec son régiment en Foix et les restes de celui de St Blancard. Bretigny envoya Valescure au Carla mais le baron de Leran ne le voulut laisser entrer, se contentant de lui donner des vivres. Il s'en tourna avec grand hasard d'être défait. À son retour, il le voulut loger à Mazeres en la place d'une partie de celui de St Blancard. Les habitants ne voulurent souffrir cet échange et y eut grande contestation. Et fallut que St Blancard y allât avec Bretigny auquel de haine et d'insolence ils avaient fermé la porte. Laquelle fut ouverte au commandement de St Blancard et tout apaisé, sur les promesses qu'il fit qu'il ne souffrirait point que Bretigny leur fît du mal. Des ces choses les ennemis en conçurent de grands avantages car ils croyaient que le Carla ne recevrait pas le secours et que nous n'oserions y aller avec toutes nos gens de guerre et loger dehors comme le Carla avait offert. Afin d'incommoder l'ennemi et favoriser l'entrée du secours de peur que si l'affaire ne réussissait promptement, que la faute des vivres ne nous tirât de là et qu'au retour les villes ne voulussent recevoir nos troupes, en ce temps Carteron et Truc vinrent pour presser le secours. Auquel ne se trouvant point de meilleur expédient, St Blancard résolut d'y mener le secours de Pamies en hors et d'y aller lui-même pour tirer ceux de dedans de dispute et de la mésintelligence en laquelle ils étaient souvent. Pour cet effet, il envoie le Fesq (frère du capitaine Larboust) pour être encore mieux averti de leur nécessité et faire venir sous divers prétextes bon nombre de guides. Et afin d'ôter à tout le monde connaissance de son dessein, le lieutenant de Valette fut envoyé à Saverdun (plus proche du Carla que Pamies) afin de les faire préparer pour le secours. Mais reprenant le journal du Mas : 


Le 5, furent tirés 21 coups de canon, tant à la demi-lune qu'au ravelin, ayant déjà cessé de trois ou 4 jours de tirer à la vieille brèche.


Le 6e, ne se tira que 3 coups de canon sur le tard et fut seulement vu un soldat de l'ennemi tombé d'une mousquetade. Ceux de la Roche venaient toujours deux fois la semaine chercher du pain, quoiqu'ils eussent les ennemis logés bien près des entrées de leur caverne.


Le 7e, un soldat de la ville, voulant aller chercher des raisins, fut blessé et un de l'ennemi fut tué d'un coup d'un méchant vertueil (1). Il fut tiré ce jour-là 30 coups de canon. Il fut tué deux soldats dans la demi-lune et un blessé au ravelin, en revanche de quoi quelqu'un s'en tuait toujours par les vignes.


Le 8, un soldat de la ville fut tué d'une mousquetade dans une rue près le moulin, et en échange ceux de la ville tuèrent un soldat qui escortait un tambour, qui disait venir de la part du maréchal avec lettres et passeport pour la femme du ministre Moynier (lequel avait été retenu prisonnier lors de la capitulation des Bordes comme dit a été). Le passeport portait condition que la femme se retirerait à un lieu papiste, autrement serait nul. Les gens de guerre dirent qu'il ne fallait point de réponse à cela et ainsi le renvoyèrent. Ce même jour, dix des tambours venant faire chamade aux masures de la métairie de Cassy, ils eurent réponse de mousquetades, d'où l'un fut tué. Et fut tiré, tant ce jour que la nuit, 29 coups de canon, partie en ruine, partie en tâtant d'un côté et d'autre.


Le 9e, tout ce jour se passa sans guère tirer. Et le matin, Dauros fut envoyé de Pamies à Saverdun afin de faciliter l'entrée du Carla aux gens de guerre qui étaient logés à Saverdun, qui partirent sur le soir pour y aller avec bruit qu'ils étaient destinés pour le secours du Mas. Néanmoins St Blancard écrivit à son lieutenant-colonel (frère du capitaine Larbous qui était au Mas) d'attendre de ses nouvelles au Carla. Et le soir, partit avec trois compagnies de son régiment et 2 de celui de Fretton, faisant environ 250 hommes. Il ne fit qu'une troupe de tout cela, mettant seulement 30 par devant, 12 ou 15 petrinaliers (2) et le capitaine Faucon (brave homme, et qui avait soutenu les guerres passées le siège de Britexte contre Monsieur de Vendôme avec beaucoup d'honneur (3)) à la tête des mousquetaires avec son lieutenant et enseigne, et les officiers du capitaine Dalque, et départis de rangs en rangs. Et mit à la tête des piques le capitaine Ermet (vaillant soldat) et le capitaine Vaumale (aussi), et les officiers départis par les rangs. Et à la queue de tout le capitaine Lasserre avec tous ses officiers. À un village à une lieue de Pamies appelé Madieres, ils furent découverts par les habitants qui tirèrent une mousquetade et sonnèrent l'alarme fort longuement avec la cloche. Et tous les villages et hameaux qu'ils abordèrent sonnèrent l'alarme, excepté Pailhes à une lieue du Mas, auprès duquel ils passèrent la rivière par une planche et marchèrent sans s'arrêter jusques sur une montagne, de laquelle ils voyaient les feux des quartiers et ouirent tirer 3 coups de canon. Là fut tenu un mot de concertation sur le chemin qu'il fallait  prendre, St Blancard ayant toujours tenu en balance sans en résoudre entre les deux que les guides proposaient. Le plus assuré était de passer la rivière à gué ou tenant le gué qui était assez étroit entre les rochers qui rendaient les bords malaisés à monter. On pouvait passer après assez commodément à la ville, mais si on avait alarme, il était à craindre que la plupart ne se jetassent dans la rivière par des endroits, lesquels ils ne pourraient ressortir. L'autre chemin était de passer par le grand chemin sur le pont, auquel chemin et pont les ennemis avaient des corps de garde. St Blancard aima mieux passer par là, disant qu'il valait mieux aller combattre des hommes et passer un chemin aisé que d'être combattu peut-être par les ennemis et par l'appréhension d'un chemin encore plus redoutable auquel, s'il fallait venir au combat, chacun aimerait mieux essayer de passer que combattre et ainsi la plupart se perdait. Cette résolution prise, ils tiennent le chemin du pont et, au sortir du chemin étroit de Sabarat qu'ils appellent le pas du Cabaret (à un grand quart de lieue du Mas), une sentinelle perdue tire et donne l'alarme avec des cris horribles. Tous les quartiers se mettent en armes avec grand bruit de tambours et trompettes, et comme tout le monde était très diligent à marcher, ils arrivent au premier corps de garde qui était barricadé sur le chemin. Les guides prennent un peu à main droite et le corps de garde, ayant tiré et voyant que pour reprendre le chemin on tourne comme pour aller à eux, quitte et s'en va au quartier plus prochain. Cependant on aborde le pont et le corps de garde qui le gardait, voyant venir les gens criant «Tue, tue, au canon, au canon !», fit largue (4) et fit sa décharge après par côté, d'où un soldat fut tué et un caporal fut fait prisonnier. Ainsi le secours entra sans autre perte avec une si grande réjouissance de toute la ville que St Blancard appréhenda qu'elle ne préjudiciât à la garde. À quoi étant pourvu peu après, les ennemis troublèrent le repos des nouveaux venus, se présentant comme pour donner un assaut, d'où il y eut grande alarme et ne fut autre chose. 

Ce jour qui fut le neuvième, St Blancard reconnut exactement tout l'état de la ville et fit changer le travail des lieux où le canon tirait les jours précédents, pour travailler aux endroits qu'il jugea devoir être plutôt attaqués. Et mêmement au moulin, auquel les ennemis avaient tiré quelques coups de canon pour en tâter la force et après l'avoir demi-ruiné, le laissèrent en l'état, croyant que la nécessité empêcherait ceux du Mas d'y mettre de la terre à cause que cela le rendait inutile. Et ils savaient qu'ils en avaient si grand besoin que plusieurs ne mangeaient pas leur soûl de pain. En quoi ils ne se trompaient pas car sans la venue de St Blancard, on n'y eût pas travaillé à cause de l'utilité qu'ils en tiraient. Et les ennemis les en laissaient jouir, faisant leur compte qu'une forte batterie ferait une grande brèche en peu de temps, ne trouvant rien derrière, et réservaient cela pour le jour de l'assaut (comme ils tentèrent aussi). Les maisons de ce côté-là faisaient toutes muraille, qui était une chose fort incommode. St Blancard fit dépaver la rue sur laquelle les maisons (qui par derrière faisaient muraille) avaient leurs portes et la fit mettre en fossé, jetant la terre dans les maisons de l'autre côté de la rue afin d'en faire un rempart. Et à ce travail commit les capitaines Ermet et la Rousseliere qui s'y employèrent avec une merveilleuse diligence et courage car les coups de canon (qui perçaient les maisons qui faisaient muraille) tuaient toujours quelqu'un à ce travail. Il fit attacher le grand ravelin à la ville par une épaule (5) du côté de la demi-lune afin que si les ennemis la gagnaient de ce flanc, on les empêchât de s'y loger. Auquel travail s'employa fort dignement le capitaine Valette, faisant même de grandes traverses sur le fossé auquel il y avait un peu d'eau et des chevrons de près à près, puis de la terre et sur ce plancher de fortes barricades avec de grands tonneaux. Faucon faisait porter de la terre et travailler des pionniers qui la bèchaient aux lieux où elle incommodait le moins. Damboix eut charge de toutes les munitions de guerre et de faire préparer des grenades et barils avec des balles et autres artifices à feu selon qu'on les pouvait trouver en si mauvais lieu. Et Larbous le pénible soin de faire fournir des choses nécessaires pour les travaux, comme outils, tonneaux, sarments (6) à la place des fascines (7). Sous lui furent créés plusieurs commissaires pour faire mettre les linceuls (8) des lits en sacs de toile, pour avoir le soin de donner à manger aux pauvres gens des Bordes et Savarat qui avaient brûlé leurs maisons et, après avoir travaillé tout le jour, mouraient quasi de faim. Il est vrai que leur misère servait au travail car pour avoir du pain, ils travaillaient à tout péril, au lieu que les travailleurs du Mas (paresseux par la lente batterie des ennemis) ne se pouvaient imaginer qu'elle dût jamais être autre et croyant qu'on les prît plutôt par escalade qu'à coups de canon. Ce jour, les ennemis ne tirèrent que 33 coups de canon et blessèrent deux hommes.


Le 10, les munitions étant venues, ils commencèrent de bon matin à tirer furieusement, et tirèrent 500 coups le jour et 64 la nuit pour empêcher le travail, qui fut toujours continué avec merveilleuse diligence en grand danger. Il y eut trois soldats blessés et un sergent appellé le Brat tué (fort brave soldat), et une femme eut la cuisse emportée d'une volée de canon en travaillant à dépaver la rue. La batterie des ennemis était depuis le grand bastion jusques au moulin, et encore un peu par delà le dit grand bastion. Elle tenait bien une espace de 200 pas de long. Semblablement, on tirait à la tenaille (9) que le grand bastion faisait avec la demi-lune.


Le 11, ils tirèrent encore 445 coups aux mêmes endroits jour ou nuit. Alors on était si occupé à travailler qu'on ne comptait guère les blessés. Un brave habitant des Bordes nommé capitaine Bourriane, qui travaillait à la tenaille de la demi-lune l'espace de 5 ou 6 heures à la merci des coups de canon et mousquetades à découvert pour accommoder la terre fut enfin tué d'une mousquetade. Et un de la ville semblablement. Le capitaine Larbous, croyant que personne ne prenait sa place, s'y mit et en fut emporté, blessé d'un éclat de canon. St Blancard, voyant après qu'on n'y travaillait pas, y mit la main lui-même. Ce que ne pouvant souffrir le capitaine Lasserre, il entreprit cette besogne de laquelle il s'acquitta dignement à la grande utilité de la demi-lune, de laquelle un côté s'en allait entièrement par terre, les boulets ayant déjà commencé de passer le rempart au plus épais. Lorsque les boulets ne donnaient au ravelin ou à la demi-lune, ils battaient le pied des maisons qui faisaient muraille et faisaient de si horribles ravages que quelquefois il tombait trente pas de muraille tout ensemble selon la grandeur des maisons, qui tombaient toujours chacune à part avec une si grande poussière que s'ils eussent pris ce temps pour venir à l'assaut, ils eussent sans doute emporté la demi-lune et le bastion. Mais d'autant qu'ils voulurent avant venir tout abattre, il ne se trouva plus matière à faire de poussière, qui durait quelquefois demi-heure. 


Le 12, ils tirèrent depuis le matin jusques à deux heures après-midi 259 coups. Et se préparant à l'assaut, ils tuèrent quatre hommes et blessèrent deux sergents portant des munitions au grand bastion. Par tous les quartiers, grande fanfare de trompettes et tambours, et grand charroi d'échelles au quartier du maréchal. Ceux de la ville font la prière à tous les quartiers. St Blancard les exhorte à se bien défendre, leur promettant que c'était le dernier effort et que s'ils les repoussaient, les ennemis lèveraient le siège, ayant achevé toutes les munitions qu'ils avaient cru nécessaires pour prendre la place. Et d'attendre là-devant qu'il en fût venu d'autres d'Aigues-Mortes ou Saint-Esprit (d'où partie de celles-là avaient été prises), les grandes pluies seraient venues avant les munitions et si elles emportaient le pont, le siège était achevé. L'ordre pour soutenir l'assaut fut tel : 


Il mit le capitaine Lasserre qui avait si bien travaillé à remparer la demi-lune pour la défendre avec sa compagnie et celle du capitaine Dalque, commandée par Claparede et Salze, lieutenant et enseigne. Et fit border de ses soldats toute la demi-lune le ventre en terre, et mit le capitaine Valette dedans avec sa compagnie pour les soutenir. 

Dans le ravelin, il mit le capitaine Faucon pour le border de même que la demi-lune, et Damboix avec tous les volontaires. Et une bonne compagnie qu'il y avait de Pamies dans le milieu du grand ravelin pour soutenir Faucon au moulin, auquel ils avaient fait leur batterie ce jour-là (mais ils l'avaient trouvé plein de terre). Il logea les capitaines Ermet et Larousseliere, et le capitaine Maistre (habitant du Mas) pour les soutenir.

Mit le capitaine Vaumale avec la moitié de sa compagnie dans les ruines des maisons que le canon avait abattu, et son lieutenant pour les soutenir. Les couverts de ces maisons étaient tombés, en sorte que des chevrons, en tombant bien, les avaient rangés comme palissades. De sorte qu'avec l'aide des braves hommes, cela se pouvait encore disputer. 

Mit le capitaine Larbous au milieu de la place d'armes avec une centaine d'hommes (qu'il avait tiré également des autres quartiers) pour charger l'ennemi au lieu qu'il entrerait, avec un ordre absolu d'en tirer des autres quartiers pour envoyer à ceux qui seraient attaqués et en auraient besoin. 

Après s'en va attendre la première attaque au bastion et demi-lune, en la tenaille desquels la brèche était si aisée qu'une charrette y eût pu monter. 



L'ordre des ennemis ne m'est pas si bien connu (10). Ils envoyèrent 2 ou 3 officiers qui sortirent du bout de leurs tranchées tout à découvert pour bien reconnaître la brèche, et la jugèrent raisonnable. Et de plus dirent au maréchal qu'ils n'avaient point ouï de bruit, et qu'il y avait un grand silence. Le maréchal conclut que c'était de peur, fit descendre fort résolument et en bon ordre trois bataillons de 500 ou 600 hommes chacun et ayant à leur tête les gendarmes pied terre, armés du pot (11) et de la cuirasse. Et l'épée et le pistolet à la main, viennent furieusement aborder la demi-lune et le bastion, cependant que les autres quartiers et le peuple que le maréchal avait fait assembler de tous les environs pour venir piller le Mas faisaient de grandes huées et semblant de les vouloir attaquer avec les échelles (car pour la facilité de la brèche, le maréchal jugea que de son côté n'en serait pas besoin). Le régiment de Normandie alla à l'assaut au moulin, Crussol, Nonnay et Ventadour à la demi-lune et au bastion. Par tous lesquels endroits ils furent reçus avec une telle grêle de mousquetades et de coups de pierre, et soutenus avec tant de résolution à coups de piques qu'ils furent trois fois repoussés. Est à remarquer pour chose extraordinaire que le canon tira toujours et qu'après avoir tiré leurs boulets, ils tiraient avec des plats, des balles de mousquet et des assiettes qui sans doute faisaient autant de mal aux leurs qu'aux nôtres. Mais le maréchal était en telle colère qu'il pensait plus à détruire qu'à conserver. 

Les femmes furent vues sur la brèche faisant devoir de bons soldats. Sur le milieu de l'assaut, le bruit étant venu au grand bastion que l'ennemi entrait par le moulin, St Blancard y envoya le capitaine Arman avec la troupe des habitants de Pamies. Et comme le bruit continuait encore, s'y en alla lui-même. Et trouvant une des brèches quasi abandonnée et qui n'était plus défendue que d'en bas, donnant courage à ses gens, monta sur le haut où il fut aussitôt environné de soldats et de femmes qui à l'envi firent des exploits de prouesse. Une fille appelée Philipe Gave fut tirer un coup de pistolet sur la brèche et en rapporta une mousquetade dans sa coiffe et une autre à sa robe. Le capitaine Ermet fit à son quartier merveilles de bien combattre à la demi-lune et bastion. Les femmes firent aussi des effets au-delà de leur sexe, portant aux soldats grande quantité de pierres et en jetant elles-mêmes. Les capitaines Valette et Laserre, montant les premiers sur la brèche de la demi-lune au commencement de la première attaque, furent tués l'un dessus l'autre. Claparede et Salze, officiers du capitaine Dalque, furent après blessés, dont ils moururent le lendemain. St Blancard fut à la demi-lune pour leur ôter l'épouvante de ces morts et, les ayant laissés en résolution de les venger, fut à la défense du grand bastion où les capitaines Faucon, Damboix, Descaich, Dusson, Teissier, Dufesq, La Rousseliere, Madron, Pitorre, Félix y firent fort bravement. Damboix y jeta force grenades et barils chargés de balles, qui étonna les ennemis en cet endroit où les soldats de la ville, les voyant si épais et si proches, mettaient cinq ou six balles de mousquet à chaque charge, et tirant avec cela à brûle le pourpoint (12), à la fin les éclaircirent. Pour un mort ou blessé, 3 ou 4 officieux (13) lui aidaient toujours à l'emporter. La rivière fut toute rouge de sang et eussent pavé de morts le gravier s'ils n'en eussent emporté la plupart. 

Du côté de la ville furent tués 50 ou 60 hommes ou femmes, les principaux desquels furent les capitaines Valette, Laserre, La Reolle (brave vieillard qui était le principal habitant du Mas), Claparede et Salze (lieutenant et enseigne du capitaine Dalque). De blessés, il y en eut quatre vingts ou cent. Des ennemis, en furent tués selon ce qu'on en put apprendre environ de 600, et autant ou plus de blessés qui moururent quasi tous pour avoir été blessés de balles d'étain, desquelles les assiégés étaient contraints de se servir. Il y eut grande douleur dans leurs tranchées et quartiers toute la nuit, durant laquelle ceux de la ville ne purent travailler pour l'occupation qu'ils eurent d'enterrer leurs morts ou panser leurs amis blessés, ou se reposer de ce grand effort où personne n'était demeuré inutile. St Blancard fit seulement mettre quelques chevaux de Frise (14) qu'il avait fait faire sur la brèche de la tenaille du ravelin et de la demi-lune.


Le lendemain 13e, les ennemis demandèrent trêves de la part du maréchal pour retirer leurs morts, qui leur furent accordées après quelques conditions afin qu'ils ne s'en puissent prévaloir pour reconnaître plus à leur aise. Avene, lieutenant-colonel du régiment de Normandie qui était en garde et commandait aux tranchées, demanda de parler à St Blancard, lequel s'étant présenté fut entretenu tout haut de beaucoup de louanges. Avene, voyant la brèche de la tenaille si aisée, dit que si le régiment de Normandie eût donné à cette part, qu'ils nous eussent emportés, et s'excusa sur la difficulté qu'ils avaient eu de se mettre en bataille, disant que s'ils lui voulaient permettre de venir jusques au pied sans tuer, qu'assurément ils entreraient. St Blancard s'étant moqué de ce parti, leur discours après plusieurs civilités fut rompu ensemble la trêve, après que les morts furent retirés. Il fut tiré quelques coups de canon, desquels un valet de Dusson fut tué dans sa maison. 


Le 14e, ils firent passer les régiments de Vaillac, de Mirepois et de Tholoze au quartier du Maréchal, et mirent le feu à leurs huttes en quittant leur quartier, dont ceux de la ville commencèrent à croire le lèvement du siège. Ils faisaient toujours bonne garde aux tranchées mais ne les avancèrent plus. Il est vrai qu'il ne s'en fallait que deux pas qu'elles ne touchassent à la pointe de la demi-lune. 


Le 15, les régiments de Crussol, Nonnay et Foix, qui étaient logés vers le nord de la ville, quittèrent aussi leurs quartiers et y mirent le feu. Et se retirèrent tous à l'Ouest où était le quartier du maréchal. 


Le 16 sur le soir, ils firent descendre force mules pour retirer leur canon et la nuit, ils en montèrent deux pièces. À quoi ceux de la ville tirèrent une infinité de mousquetades.


Le 17, il commença un peu à pleuvoir et les ennemis, des pièces qui étaient encore restées aux batteries, tirèrent 8 volées de canon. Et ne pouvaient travailler le jour à cause des mousquetades, sinon fort loin où ils raccommodaient le chemin. 


Le 18, il plut fort et continua la pluie deux ou trois jours, de sorte que la rivière venant grosse, emporta le pont (les ennemis ayant quitté auparavant la tête des tranchées afin de ne se trouver engagés, prévoyant que cela arriverait). De là en avant, l'espérance leur fut ôtée de retirer leurs canons avec des mules, et ayant planché le chemin avec de bois, le tirèrent avec beaucoup de peine à force de bras, et la nuit seulement. Et parce qu'ils faisaient de bruit, les mousquetades n'y manquèrent pas. Le Maréchal demeura 9 jours depuis l'assaut occupé à ce travail avec beaucoup d'incommodité et tant de mépris que les villages qui lui fournissaient des vivres n'en voulaient plus envoyer. Au bout de ce temps-là, l'armée délogea de dessus la montagne et ceux de la ville, après avoir rendu grâces à Dieu et fait découvrir les environs, ils allèrent visiter les quartiers où, par une barbare négligence, ils trouvèrent les morts qu'ils avaient retirés de l'assaut sans être enterrés en des endroits entassés par douzaines tout nus et couverts de plaies fort enflées.


Sept ou 8 jours après, les ennemis s'étant retirés, St Blancard ayant contraint ceux du Mas de fermer leurs brèches au moins avec des palissades, s'en retourna à Pamies où, ayant avis que les ennemis prenaient de grands soins pour leur empêcher le retour, il résolut de les lasser par patience. En quoi ils eurent de la peine envers quelques-uns du peuple escamberlat (15) qui eussent été bien aise qu'ils eussent été défaits. Finalement, Valescure (qui était logé à Mazeres) sur le chemin étant passé une nuit avec 200 hommes, les régiments de Freton et de St Blancard vinrent à Mazeres et Saverdun où ils firent courir le bruit qu'ils passeraient l'hiver pour endormir les ennemis qui s'étaient rendus plus diligents par le passage de Valescure. Lequel étant arrivé à Revel et de là allant à Puylaurans, faillit à être défait par la méchanceté de ceux de Puylaurans qui ne le voulurent pas recevoir dans leur ville, étant les escamberlats les plus forts. 


À quelque temps de là, St Blancard, voyant tous ces gens dans de grandes impatiences du retour, s'en alla une nuit avec deux ou trois gardes reconnaître le chemin qu'ils devaient tenir, faisant courir le bruit qu'il s'en allait devers le duc de Rohan trouver quelque expédient assuré. Et revenant, mit promptement toutes les troupes en chemin si heureusement qu'ils passèrent sans aucune mauvaise rencontre jusques à Revel où la barbarie de ceux qui devaient être amis et obligés pensa faire plus que n'avait pu faire les ennemis. Car ces gens, se fondant sur quelque exemption, ne les voulurent pas loger, par quoi il fallut qu'ils allassent après avoir fait 8 grandes lieues, encore jusques à Puylaurans sans manger que de la neige qui commença à Revel à tomber à grand force. Ceux de Puilaurans, qui avaient maltraité Valescure, néanmoins, voyant les troupes qui avaient si bien mérité du public, n'osèrent faire de même: ainsi les reçurent quoique les Escamberlats l'eussent volontiers empêché s'ils eussent pu. 


Ainsi fut achevé le voyage de Foix que Dieu bénit en la sorte que vous avez vu, dont gloire lui soit rendue !

SB


(1) Face à deux mots occitans qui s'en approchent (vertel ou vertelh signifiant le peson, l'anneau de bois d'un fuseau, la poire ayant cette forme; vertuel ou vertolh signifiant le «panier dans lequel on met le fruit», la nasse), Barrière-Flavy, intrigué, penche pour le deuxième sans expliquer les raisons de ce choix.
(2) Soldats équipés de petrinaux.
(3) Avec plus de 7 000 hommes, César de Vendôme (fils naturel de Henri IV) n'avait pas réussi en 1622 à s'emparer de Briatexte, en Albigeois entre Lavaur et Graulhet, tenue par Faucon et environ 500 soldats.
(4) «Terme de marine (haute mer). Il n'est guère d'usage qu'en ces phrases : prendre le largue, tenir le largue, faire largue ; pour dire : prendre la haute mer, tenir la haute mer, aller en haute mer» (Furetière).
(5) «Épaule, en termes de guerre, est la partie du bastion où la face se joint au flanc, et l'angle que forment ces lignes s'appelle angle de l'épaule. On faut aussi des épaules au devant des batteries des assiégeants. On en fait avec des sacs de laine qui ont 17 pieds de long sur 7 d'épaisseur, et on en met jusqu'à 3 rangs» (Furetière). 
(6) Saint-Blancard écrit serment, qui est plutôt la forme occitane gasconne (sarment pour la forme languedocienne, gaveu pour la provençale plus proche de son parler natal).
(7) «Fagot de menu branchage dont on se sert à l'armée pour se couvrir, ou pour brûler des logements, combler des fossés» (Furetière).
(8) «Drap délié qu'on fait de lin. On le prend généralement pour toutes sortes de draps de toile» (Furetière). Est resté en occitan (lençòl) pour désigner généralement les draps.
(9) «En termes de fortification, est la face de la place, composée de la courtine et des deux pans de bastions. L'angle de tenaille est celui qui se forme par l'intersection des deux lignes des deux faces de bastions, si elles étaient prolongées. C'est de ce point que commencent les lignes de défense. Les défenses des forts à étoiles ne sont que tenailles. On fait aussi des tenailles aux bastions trop pointus, ou aux dehors, qui ne sont autre chose qu'un angle rentrant vers la place, lequel fait deux faces qui se flanquent l'une l'autre» (Furetière). 
(10) Seul passage où Saint-Blancard passe à la première personne du singulier.
(11) «Pot, en termes de guerre, est une espèce de morion ou de salade que portent les gens de pied, qui ne couvre que le haut de la tête. Il était armé seulement du pot et de la cuirasse» (Furetière). 
(12) «Tirer un coup à brûle pourpoint, pour dire à bout portant» (Furetière).
(13) «Honnête, obligeant, prompt à rendre service, un bon office. Un homme officieux gagne le cœur de tout le monde» (Furetière).
(14) «En termes de fortification, est une grosse pièce de bois percée et traversée de plusieurs pieux armés de pointes de fer, et long d'environ 5 ou 6 pieds. Il sert à défendre un passage ou à boucher une brèche, ou à faire un retranchement pour arrêter la cavalerie. (…) On les appelle chevaux de Frise parce que cette machine a été inventée en Frise» (Furetière). 
(15) Adjectif occitan désignant alors les protestants partisans de la soumission au pouvoir royal contre le parti de Rohan. Il vient d'escambarlar, écarter les jambes.










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